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Documentaire sur le référundum d'indépendance du Soudan du Sud.

Hubert Sauper a construit son propre avion, qui fonctionne avec un putain de moteur de mobylette. Les plans aériens, stylisés juste ce qu'il faut et disséminés ça et là, sans indication géographique, disent tout de la terreur incommensurable qui se dégage de ce continent, plus encore que le monologue de Sauper, avec son délicieux petit accent autrichien, voix éteinte par la fatigue et la sidération, qui se contente pudiquement de comparer l'Afrique à une autre planète. La sensation vertigineuse d'arriver "ailleurs" est en effet tellement écrasante que seule une métaphore permet au langage de l'effleurer.

L'absence de didactisme spatial au fil du périple conditionne l'approche générale du et des sujet(s). Sauper a une dégaine qui inspire la confiance de chacun de ses interlocuteurs. Ils passent tous d'office, à son contact, en mode "sans filtre". On démarre avec les Chinois dans les locaux de leur raffinerie, et on pense déjà être au fond du fond de l'horreur absolue, mais on enchaîne avec un planificateur de l'ONU (sans doute le pire de tous), un jeune démineur britannique, des évangélistes texans, des entrepreneurs occidentaux, un politicien local et quelques autres, et ça ne fait que creuser encore et encore. Le tout est entrecoupé de rencontres avec des villageois dont les sources sont empoisonnées, des vagabonds qui errent dans des tas d'ordures industrielles, un fou, un chef de village exproprié de ses terres et menacé de mort par sa propre communauté. Les extraits d'interview d'Hilary Clinton brûlent pas mal, comme la gueule de George Clooney, tout sourire au contact des populations. Le sabrage de champagne dans la cafet' des barbouzes des nations unies est un sommet d'horreur pure, et pourtant parfaitement ordinaire. Et sans aucun commentaire de sa part, Sauper montre toute la folie de la situation. Folie qui n'est pas nouvelle.

On a eu un échange il y a peu avec Gontrand, où je soutenais que Heart of Darkness de Joseph Conrad, au-delà de ses qualités littéraires, contenait à l'état aussi brut que possible la substantifique moëlle du rapport de l'Occident, et de l'occidental, à l'Afrique, que ce rapport n'avait pas changé depuis la publication de ce court roman et qu'il ne se résumait pas seulement à la colonisation et l'exploitation du continent, qui en sont les symptomes visibles.

Ces symptomes visibles, leur analyse, leur condamnation ou leur remise en question (cf. Bernard Lugan) occupent tout l'espace dans le débat public. Ils sont aussi, en apparence, au coeur de ce documentaire bouleversant. Mais derrière les apparences, le bruit, les personnes, Hubert Sauper frôle l'essence du vrai cauchemar. Comme Conrad.

Le documentaire est actuellement disponible ici : https://www.partage-le.com/2017/08/02/n ... -tenebres/

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Looks like meat's back on the menu, boys!

Paradoxalement tu donnes très envie...

Ca vaut le coup, même si la situation là-bas n'est pas au centre de tes préoccupations : le Soudan du Sud, c'est une crise "de niche", concomittante à celle du Darfour, ça a occupé quelques JT et quelques acteurs US, puis c'est passé comme un nuage de pollen. Globalement, c'est un endroit où personne n'ira jamais... sauf les gens qu'on voit dans le film.

D'une crise dont le traitement médiatique bien pensé à l'avance et balisé contribue à notre indifférence ("encore un pays chelou où il se passe n'importe quoi, l'année dernière c'était Haïti, encore avant la Somalie... c'est triste mais bon"), on pourrait aussi craindre qu'Hubert Sauper cherche à nous faire culpabiliser. Je n'y ai pas perçu cette intention. Un de effets du documentaire, c'est de montrer à quel point tout est bien rodé en termes d'occupation, à quel point exploitants et humanitaires font partie intégrante du même système parce qu'ils ont la même vision : ces gens là ne peuvent pas se débrouiller seuls, ni pour exploiter les richesses naturelles, ni pour se protéger. La grande question manquante, c'est bien sûr comment ils faisaient avant qu'on arrive.

Deux passages qui m'ont bien marqué :

A travers ça, on ne peut songer au fait que ce qui se passe en Afrique est déjà arrivé en France. Que nous avons perdu rapidement et récemment 99% de toutes nos spécificités, langues et coutumes régionales. Il nous reste au mieux quelques accents, quelques plats, quelques panneaux bilingues. Au moins, là-bas, alors que ça fait des siècles que ça dure et que ça n'est pas prêt de s'arrêter, tout ça est encore relativement intact.

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Je ne suis pas sûr que le Cauchemar de Darwin que Sauper avait fait en 2004 donnait une image juste de l'Afrique, et de la situation dans les Grands Lacs, même s'il avait le mérite de faire connaître une crise écologique majeure... Il y avait une forme de scenarisation du réel et de forçage dans le cliché (gros avions ukrainiens ou russes, c'est donc qu'il y a du traffic d'armes étatiques, et une forme de suspense narratif, articulation insistante mais floue entre l'histoire de la plie du Nil et l'introduction d'une espèce invasive et les questions de natalité et du Sida comme si c'étaient les versants écologiques et sociaux d'une seule et même crise, pourquoi pas mais cette dépendance est alors tellement massive qu'elle n'est pas spécifique à cette region)

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Sur un secrétaire, j'avise deux statuettes de chevaux : minuscules petites têtes sur des corps puissants et ballonés de percherons. Sont-ils africains ? Étrusques ?
- Ce sont des fromages. On me les envoie de Calabre.

Jean-Paul Sartre

Il est temps de faire le plein de Sauper (méta-blague).

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"Je vois ce que tu veux dire, mais..."
"Je me suis mal exprimé, pardon."

Le cauchemar de Darwin est plus sinueux dans son déroulé, plus flou aussi je suis d'accord, ainsi que beaucoup plus frontal dans le sordide (la rencontre avec une mourante du sida, le sort de la prostituée du début, les petiots qui sniffent de la colle etc.).

Retrospectivement, c'est comme si Sauper était tombé sur un truc plus vaste que l'histoire déjà horrible du lac Victoria qui se meurt de l'introduction de la perche du Nil, qu'il a fait de son mieux avec tout ce qu'il découvrait et qu'il a compris plus tard qu'il pouvait creuser avec Nous venons en amis (ce qu'il a fait).

Un lac rempli de poissons agressifs, invasifs et cannibales qui n'ont rien à faire là, péchés par des mecs affamés pour être taités en usine et découpés en filets, chargés dans des avions énormes pour aller chez Carrefour ou Grand Frais, avions qui atterissent avec des armes pour rentabiliser l'aller. Le tout pendant qu'il y a une famine nationale, avec les plans d'aides de l'ONU. C'est très bien scénarisé, oui. Au niveau du réel, pas du documentaire.

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