Jusqu'à hier, je n'avais d'image du juge Burgaud que ce que la presse et l'audition des acquittés m'avaient transmises. J'imaginais un mec borné, implacable, voulant frapper un grand coup dans l'affaire de pédophilie du siècle, et accumulant les erreurs envers et contre tous.
Au final, il a accumulé les erreurs, c'est indiscutable. Mais pour le reste...
Je peux bien croire qu'il ait été arrogant pendant l'instruction, comme le décrivent les accusés, et qu'il n'avait pas l'attitude humble et fragile qu'il avait hier. Le poids de la responsabilité du désastre judiciaire symbolisé par son seul nom, la pression médiatique autour de l'audition... Faut pas chercher loin pour comprendre son air apeuré, sa fatigue, ses difficultés à s'exprimer, son mal à répondre clairement aux questions. D'ailleurs ma soeur, qui travaille à l'Ecole de la Magistrature, m'a dit hier soir que tous ceux qui le connaissent depuis des années ne l'ont pas reconnu dans ses difficultés à s'exprimer. Une pression moins forte, palpable jusque dans les questions des députés, aurait peut-être pu lui permettre de s'exprimer plus clairement et sereinement.
Quoiqu'il en soit, je me range désormais du côté de la quasi-totalité de la presse aujourd'hui. Il était jeune, sans expérience, sans personne véritablement pour l'épauler et le conseiller dans un dossier aussi lourd, aussi complexe, et pour lequel les médias se passionnaient. Si des carences dans l'instruction sont dû à son seul fait, beaucoup résultent du manque de moyens de la justice aujourd'hui. Et quand il s'enfonçait dans ses erreurs vis-à-vis des prévenus, bon nombre des acteurs de la machine judiciaire l'appuyait.
Et il ne faudrait pas oublier non plus que l'acquittement des inculpés est intervenu après que des éléments qu'il n'avait pas en sa possession lors de l'instruction soient apparus.
Tout ça pour dire que malgré l'image désastreuse que sa prestation peut donner, elle me semble bénéfique au final pour lui.
Le déroulement des questions était très représentatif de l'état d'esprit général. Beaucoup de questions du rapporteur de la commission était soient biaisées soit de véritables lapalissades, souvent tournées comme s'il était seul responsable de toute l'instruction dans ses moindres détails. Lui a souvent assumé des faiblesses du dossier qui n'étaient pas de son fait, sans charger les autres (ne pas oublier qu'il y a plus de 60 personnes de la justice et de la police qui ont travaillé sur le dossier).
Et bien qu'il ne soit pas question de compassion à son égard vu l'importance des erreurs qui ont été faites sous sa responsabilité, le ton sur lequel il était interrogé s'apparentait plus souvent à un lynchage en règle.
_________________ "Dans une France fictive, une nouvelle loi autorise un spectateur en état de détresse morale à attaquer un spectateur qui fait "Eeeeeeehng"..." Qui-Gon Jinn, 16.10.2014
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