L'Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (Nick Cave & Warren Ellis) [Arnotte] vs
Birth (Alexandre Desplat) [Déjà-vu]
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Dernière édition par Mister Zob le 17 Juin 2014, 15:30, édité 1 fois.
Vote pour Birth (même si j'aime aussi beaucoup l'autre), et à nouveau un peu de branlette...
Birth c'est un score très simple, composé de quatre motifs / types de musique. 1) Le duo harpe-clochettes (= l'évènement pris sous son angle féérique et merveilleux), 2) les sons de basses synthétiques (= l'évènement pris sous son angle basique et malaisant, entêtant et pulsionnel), 3) de larges envolées de cordes (= l'évènement pris sous l'angle d'une grande imagerie romantique, presque pastiche), et puis le principal : 4) le motif sautillant à la flûte traversière, difficile à caractériser, qui me semble souligner une renaissance vivace (des émotions, de la curiosité, de perspectives d'avenirs) au milieu du terne hiver new-yorkais, mais qui a aussi peut-être un petit aspect ironique (jeu du sort, absurdité, "miracle de noël" - et la facétie de l'enfance qui vient provoquer le chaos dans le monde des adultes ; j'y reviens, justement, au chaos).
Or, plutôt que de mêler ces quatre motifs (même s'il le fait un peu, évidemment), Desplat les succède, sans cesse, les liant de manière à ce que l'un semble toujours émerger de l'autre, comme si l'un engendrait l'autre. Cela tient en partie au fait que toutes naissent (ou tournent autour) d'une unique note de base (un ré) qui court tel un fil tendu sur toute la BO, ne donnant jamais la sensation d'une coupure, d'un encart, d'une modulation qui viendrait explorer un autre angle : c'est une pure fuite en avant. La musique advient par ailleurs souvent aux moments où il faut lier entre eux des personnages et scènes disparates, ce qui lui donne d'autant plus l'aspect d'un air qui gère et construit, ordonne, dépasse la segmentation. Ce qui fait que la BO de Birth ressemble moins à un discours mesuré sur les évènements (aléas, nuance, doutes, climax, encarts...) qu'à une sorte de "contamination" butée, de prolifération droite et sans retour, de cancer qui croît joyeusement.
C'est cela que va raconter la musique : une reconquête, pan par pan, de la cité désenchantée où le personnage de Kidman s'est perdu (ville qui est d'ailleurs marquée par un autre type de musique : les élégants morceaux de piano liés à la société bourgeoise où évolue le film, complètement exclus du passage de relais caractérisant les autres motifs, et qui fonctionne du coup presque comme une musique in).
Deux exemples de passages contamination :
Au final, la mise en musique de cette romance finit par s'épuiser de ses multiples déclinaisons (romantique, fantastique...) pour aller toucher à l'essence de cette relation pédophile, pour aller en palper l'os. Cela se traduit par le fait que ce relais de motifs, sans pour autant stopper sa course, se dénude et s'assèche progressivement autour d'un motif ultra-basique, comme primaire à tous les autres : celui des percussions (qui se devinent déjà dans le morceau Knights At Night), qui ne fait plus que rythmer l'avancée, comme une déclaration de guerre rituelle.
Il y a aussi un opéra dans Birth, et je suppose que cette valse de motifs a quelque chose à y voir, mais là c'est un terrain que je maîtrise pas du tout.
Enfin voilà, j'aime beaucoup ce jeu, comme si Desplat déployait une narration ample avec seulement quatre cube de lettres d'alphabet (rien qu'un exemple, le final : la manière dont le type de musique "romantique à corde" survit aux autres en faisant la gueule, seul et plus relié à rien, raconte déjà pas mal de choses).
J'allais voter pour Birth, mais à cause de la branlette de Tom j'ai le cerveau qui saigne.
_________________ "Dans une France fictive, une nouvelle loi autorise un spectateur en état de détresse morale à attaquer un spectateur qui fait "Eeeeeeehng"..." Qui-Gon Jinn, 16.10.2014
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