Réponse de Kassovitz à Sarzoky.
Mr le Ministre de l’intérieur.
Cette lettre qui ne vous était pas directement adressée mais à laquelle vous avez promptement répondu, n’est pas comme vous le laissez entendre, un pamphlet en l’honneur des casseurs, ni une insulte aux pompiers caillassés et aux policiers blessés. Le simple fait que vous détourniez mes propos pour éviter de répondre aux vraies questions, confirme votre aveuglement face à votre responsabilité dans ces événements.
Quoi que vous puissiez dire, les quartiers de France ont bel et bien explosés quelques heures après vos mots dur et blessant, malencontreusement stigmatisés par un accident qui a vu la mort de deux adolescents dans des conditions atroces. Accident tragique, et tellement symbolique des conditions de vie des quartiers de France. Ces gymnases, ces voitures et ces écoles qui brûlent, dont vous m’accusez de n’avoir que faire, j’en parlait déjà il y a 10 ans dans « La HAINE » , que vous évoquez sans même, je pense, l’avoir vu.
Je n’ai pas besoin de vivre dans une cité, ni d’avoir fait de hautes études pour comprendre que ces institutions sont les représentants d’un Etat qui renonce à regarder le problème en face et qui continu, gouvernement après gouvernement à se rejeter les responsabilités comme vous le faites si brillamment.
Vous n’êtes pas responsable dites vous.
Les policiers et les pompiers qui ont courageusement défendu vos bavures , sont les malheureuses victimes de votre politique agressive, tout comme les habitants des quartiers qui y ont perdu leurs véhicules et pour certains leur moyen de subsister.
Ne rejetez pas la responsabilité de vos propos sur une situation dont nous connaissons tous l’histoire, si vous n’êtes pas le seul responsable des problèmes des banlieues, vous en êtes le symbole politique, et vos propos ont allumé la mèche d’une révolte qui vous a dépassé. Que vous vous offusquiez qu’on vous prenne pour cible me surprend et me fait douter de votre capacité à vous remettre en cause.
Vous avez raison quand vous dites que « l'ordre républicain n'est pas l'adversaire du progrès, mais bien son allié. », mais pour rétablir l’ordre républicain dans les quartiers il faut que les représentants de cette république soient au dessus de tout soupçons.
Vous avez magnifiquement géré, comme à votre habitude, l’impact de ces émeutes et des images auprès des medias et vous avez bien heureusement donné des instructions de retenue aux forces de l’ordre, mais ne résumez pas le comportement de la police à ce qu’il s’est passé sur ces quatre dernières semaines face aux medias du monde entier. Vous le savez, le problème de respect entre la police et les jeunes ne date pas d’aujourd’hui. Les gouvernements de gauche ou de droite, vont et viennent mais ce problème persiste au quotidien. Depuis des générations maintenant.
La mort brutale de Malik OUSEKINE, suivie par les remarques inhumaine de Charles Pasqua (un de vos prédécesseurs), datent de bientôt 20 ans. La mort de Makomé, abattu de sang froid dans un commissariat du 18eme, et de nombreux autres, victimes de la perte des valeurs républicaines que vous défendez, parsèment l’histoire de la France d’aujourd’hui. C’est ce passé, lourd en injustices qui alimente notre présent. Je vous demande juste de ne pas l’oublier, même si vous n’en êtes pas directement responsable.
Il faut rééduquer les esprits, pas les manipuler. Cette mésentente entre les forces de l’ordre et les jeunes des cités est un problème profond qui ne sera résolu qu’après un réel travail d’éducation auprès des deux partis.
Non, je ne suis pas contre la Police, au contraire, je souhaite comme tous les citoyens de ce pays, une police plus considérée, plus éduquée, plus respectée, plus humaine... Une Police en laquelle je peux faire confiance avec ma sécurité personnelle et celle de mes enfants, quel que soit ma position sociale, ma couleur de peau, mon âge, mes croyances… Quand vous évoquez le retour des valeurs républicaines, n’oubliez pas que pour obtenir du respect, vous devez inspirer le respect. Si la police a perdue le respect qui lui est dû, peut être devriez vous vous posez encore une fois les vraies questions.
Vous vous dites tendu vers l’avenir, mais vos méthodes sont répressives et obsolètes. Vous cédez à la panique et votez le retour d’une loi militaire déterrée d’une des pages les plus sombre de l’histoire de notre pays. Le choix de cette loi symbolique fait honte à la France et à votre classe politique.
Encore une fois, vous n’êtes pas responsable. Comme d’habitude.
Vous terminez votre lettre par cette phrase terrible qui conclue froidement tel un chef d’entreprise devant un bilan négatif, que« Depuis tant d'années, beaucoup d'argent a été engagé, beaucoup d'efforts ont été entrepris par les services de l'Etat comme par les acteurs de terrain. Les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes. » .
Pensez vous pouvoir diriger la France comme une vulgaire multinationale ? Sachez que les résultats ne sont pas à la hauteur des attentes d’une France que vous, les politiciens de tout bord, ne regardez pas dans les yeux depuis trop longtemps.
Pensez-vous pouvoir « licencier » ces jeunes qui vous font de l’ombre ? Les nettoyer comme des déchets sur un trottoir ? L’équilibre démocratique n’a jamais trouvé sa source dans la répression, et vous le savez, si solution il y a elle est dans l’aide sociale et la compréhension des problèmes. Si vous ne continuez pas le dialogue, que va t’il se passer ? Il est de votre devoir ainsi que celui des institutions Française de répondre à la violence avec intelligence pour éviter de perdre le contact avec une jeunesse dont certains pourraient basculer dans d’autres formes de violences plus extrêmes et réellement dangereuses.
Vous n’êtes pas responsable. Effectivement je pense que vous êtes irresponsable.
En vous promenant à Argenteuil à 23 heures, entouré de policiers et de journalistes, vous avez sans doute voulu apprécier comme un citoyen lambda, l’ambiance de la vie d’un quartier, et non pas provoquer une confrontation inévitable. Quand à vos « quelques mots », en affirmant haut et fort que vous alliez « nettoyer les cités au Karcher », vous vouliez certainement dire : « Réhabiliter et nettoyer ces immeubles vétustes dans lesquels des enfants tombent dans des cages d’ascenseurs pour cause de mauvais entretiens et aider les familles qui payent leurs impôts comme tout le monde à retrouver un environnement et un respect depuis longtemps perdu», et quand vous avez menacé les « racailles » de vous débarrasser d’eux, vous vouliez dire, « Mettre en prison pour longtemps les quelques personnes réellement dangereuses et généralement connues des services de police et offrir à toute une partie de cette jeunesse la possibilité d’entrevoir un avenir différent à travers une action sociale cohérente et généreuse pour les faire sortir de la petite délinquance.».
Comme beaucoup de Français, j’ai dû mal vous comprendre.
Le combat que vous voulez mener Monsieur le Ministre, nous voulons tous le mener avec vous, et mis à part les quelques vrais voyous qui entretiennent la violence à travers les « réseaux » de la drogue et qui empoisonnent la vie de l’ensemble des habitants des quartiers, tout les autres, y compris les jeunes à casquette que vous appelez « racailles » et dont certains encombrent aujourd’hui vos prisons, ont le même désir : Ils veulent un avenir, des conditions de vie égales à tout les citoyens, un respect, une identité…
Ne voulant pas rentrer dans un débat de mots avec vous, et malgré le respect que je vous dois, je ne souhaite pas vous rencontrer « de vive voix ».
Je comprend votre louable envie de communiquer avec vos adversaires, surtout connus des media, mais permettez moi de m’en tenir à mon statut de citoyen critique et sans attache politique. Contrairement à vous et à ce que vous pouvez dire, je ne représente que ma voix, pas celle d’un parti politique, ni celle de la banlieue, et encore moins celle des casseurs.
Néanmoins, votre invitation montre que vous êtes ouvert au dialogue, j’espère que vous en ferez bon usage avec les personnes directement concernées.
Je vous invite à rencontrer les différents acteurs de la vie des cités et principalement les milliers d’associations de quartiers qui se battent au quotidien pour garder le contact avec des millions d’habitants. Aidez-les, elles en ont dramatiquement besoin.
Je voudrais clore ce court échange en vous assurant mon profond attachement à la culture et aux valeurs de notre pays. Si le débat est si passionné, c’est parce que nous sommes tous concernés. Cette culture ouverte sur le monde nous est spécifique et unique, reconnue par toute les autres nations comme un modèle de politique sociale, même si la réalité à surpris le reste de la planète.
Nous sommes Français, rebelles dans l’âme, quel que soit nos convictions politiques, toujours prêt à se battre pour défendre une cause que nous jugeons honorable. C’est cet état d’esprit que vous défendez à travers vos actions, comprenez que d’autres fassent de même, même si les moyens utilisés sont inadéquates et injustes. Ce sont pour eux le seul moyen de se faire entendre. Le symbole de ces milliers de voitures qui brûlent et de la perte totale de l’autorité politique ne sont pas de simples explosions de violence. Soyez attentif. L’avenir d’une France multiculturelle et anti raciste en dépend.
Déjà les échos des chants de l’extrême droite se font entendrent dans votre camp. Je suis certain que cela vous dégoûte autant que moi.
Cet extrait d’un commentaire posté par un anonyme sur le site en réaction à votre réaction, résume, je pense, les inquiétudes de beaucoup de Français, en tout cas elle résume mes craintes:
« …La grandeur d’un homme politique ne réside pas dans sa capacité à cultiver les peurs du peuple pour y trouver une niche électorale. La grandeur d’un homme d’Etat réside dans sa capacité à transcender la Nation avec conviction et désintérêt personnel. Votre « verbe » vous fera sans doute gagner la confiance des brebis égarées du 21 avril. Votre intérêt personnel vous empêchera de transcender la Nation.(…).Jusqu’ici tout va bien, jusqu’ici tout va bien… vous êtes en tête des sondages… »
Je voudrais vous laisser avec une dernière pensée qui me vient de mon père, un Hongrois, comme le votre, arrivé en France, terre d’accueil et des droits de l’homme en 1956, pour fuir le régime communiste Russe. Ce n’est pas de la grande philosophie, mais juste un conseil venant d’un homme qui a survécu à des guerres et des révolutions.
« Pour arriver en haut d’une échelle, monte les échelons un par un, tu te casseras la gueule de moins haut ».
A méditer.
En vous souhaitant bonne chance dans votre irrésistible ascension aux plus hautes marches de l’Etat, je vous assure monsieur le ministre de l’intérieur de mes sentiments les meilleurs.
Mathieu Kassovitz.
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En conclusion :
Je vous remercie tous pour votre intérêt et votre passion au débat. Malheureusement, la montée soudaine de commentaires faisant souvent passer des messages de haine et des liens à des sites racistes demande trop de temps et d’énergie à gérer. Le débat ne m’intéresse pas plus que ça, c’est la prise de conscience qui est pour moi le but à atteindre. Ce but est atteint.
Les commentaires sont maintenant clos. Utilisez le net pour vous exprimer sur vos propres sites, c’est un magnifique média de communication quasiment gratuit, profitez en.
MK
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