A la frontière italienne, sous la pluie, ce qui semble être un jeune couple est pris en autostop par une grosse BMW. En fait l'homme et la femme ne se connaissent pas. Lui, Giovannni, sort probablement d'une clinique psychiatrique en Suisse, et cherche à rentrer en Italie où il a peu d'attaches. La jeune femme est proche des mouvements de lutte gauchiste.
Quant au chauffeur de la BMW, c'est un prêtre du puissant "Ordre des Fautsini" qui gère la communication de l'Eglise catholique. Le prêtre remarque le visage angélique, débonnaire, et les cheveux frisés du jeune homme, et décide de le faire poser comme incarnation contemporaine de Jésus pour une campagne de communication destinée à revitaliser l'Eglise, en le conviant dans les bureaux hyper modernes de l'ordre, qui fonctionnent comme une boîte de tech avant l'heure, un peu aussi comme une usine à la Chaplin. L'apparente naïveté du jeune homme renforce le message biblique, tout en le rendant facile à manipuler. La jeune femme a oublié son sac dans la voiture, que Giovanni récupère, et qui contient un revolver.





Comédie italienne tardive avec Bepe Grillo et Maria Schneider (d'ailleurs très bonne, servant le propos, plus sobre que Grillo, qui esr assez agaçant car on sent qu'il s'identifie trop à son personnage et y voit un tremplin pour l'après, les passages où il chante en blues sont pénibles). On voit que le genre est crise, et que Comencini se projette dans une époque qui n'est pas la sienne, avec tristesse et inquiétude, dans une optique politiquement fondée mais un ton très moraliste. Le film est donc bancal, manichéen et trop symbolique, même s'il ya des aspecs qui fonctionnent bien, esthétiquement forts (notamment très bon usage du ralenti sur un meurtre terroriste, pour en fait l'ellipser hors champ, ou une très bonne fin dans une maison de vacances transformée en planque - belle scène avec un poulet que personne n'arrive à tuer, ridiculisant le radicalisme affiché, il y aussi d'assez bons dialogues) et une indéniable intelligence sociologique et politique.
Le problème c'est que le film brasse trop large, en abordant en bloc le terrorisme gauchiste, parti d'une révolte générationnelle que les parents esquivent, et la dérive de sa répression policière, le consumérisme montant; l'avènement d'une société médiatique obsédée par le flux et la relation directe des institutions vers less individus, maid dépolitisée voire désocialisée, l'émergence de la banlieue comme territorie en crise, mais aussi lieu de liens réels qui perdurent justement à cause de leur difficulté, le mélange entre le progressisme de l'Eglise catholique et une forme d'adaptation médiatique qui sert un retour à l'ordre moral, cyniquement dilué sur le temps long.
Toute les négativités sont renvoyées dos -à-dos et le film à appelle leur dépassement tout en dessinant l'impossibilité, n tout cas celui-ci prend la forme d'un espoir forcé, d'un artifice ou d'une convention qui caractérise même le caché et le hors-champ (fin un peu ratée
), .
Il est en apparence surprenant que Beppe Grillo, ayant joué un tel personnage, soit devenu par la suite un des héraults du populisme et de l'idéologie dégagiste, mais cela est finalement logique. Le goût de l'ordre, une mentalité à la fois autoritaire et dépoltisée se glissent précisément dans l'espace créé par le désespoir authentique de la satire de Comencini, qui justement visait à conjurer ce basculement, mais en tombant dans un piège : à la fois visionnaire et critique, son cinéma est alors le premier à formuler ce qu'il redoute. Il ne peut pas valoriser ce qu'il pressent voire ce qu'il crée, il est conscient de sa fadeur dans la mesure exacte où il est confirmé et se montre historiquement prémonitoire. Par ailleurs, le film égratigne finalement assez peu la figure d'homme providentiel, dont l'humilité serait volontaire, ttachér à Jésus. Le mensonge réside dans sa captation qui annule le sacrifice en le préméditant, non dans l'existence de celui-ci, le Christ rempli toujours un rôle qui n'est pas remis en question, il est aussi le refuge du libre-arbitre face à l'aliénation.
ll y a aussi un élement très intéressant dans le film (comme dans le
Grand Embouteillage, plus abouti) qui fait le lien entre la période néoréaliste et le baroque esthétique des années 80 que l'on retrouve en Frrace dans le cinéma de Beineix, Besson, voire Carax ou Rivette période
Pont du Nord : l'espace urbain, en restructuration est bien cerné. Les chantiers de démolitions ou lotissements glauques, la banlieue (ici celle des chansons de Renaud) sont les lieux où se réfugient l'attachement au passé, une nostalgie où l'appartenance sociologique peut être objet de fantasme de projection, la valeur et la reconnaissance de l'autre surviennent à la place de la péripétie. Le ton de conte cynique du film le rapproche du réalisme magique, mais l'élément fantastique est ici le vecteur du message moral, il n'est pas une liberté où l'occasion d'un jeu envers le réel, mais plutôt la limite d'une limite : l'imaginaire est la forme critiquée et dédaignée, perçue dans sa laideur, de l'ordre en cours de restauration.
Pas extraordinaire, loin d'être nul pour autant, le courage de tenir consciemment vis-à-vis du grand public une position politiquement et esthétiquement casse-gueule rend le film notable (il est par exemple plus intéressant et complexe qu'
Affreux, sales et méchants d'Ettore Scola, à vrai dire le ton est plus proche des Nanni Moretti récents).
Aussi intéressant de voir Beppe Grillo et Maria Schneider réunis (le succès politique de l'un va d'ailleurs de pair avec la sanctification post-mortem de l'autre, le film noue explicitement ce lien sur l'échec et l'impasse morale du gauchisme, constatés avec amertume, sans être conscient de la pertinence ironique de la lettre de son propos plutôt que de son esprit ) .
Et le titre français sabote le film (par manque de courage car s'il y a une imposture elle vient de l'Eglise et pas du gars [hide]qui en plus est réellement ce qu'il parait être, et dès lors exploité puis abandonné sans être crucifié).
3/6