Cette année, on a beaucoup parlé de
Bachir et
Redacted, et quand bien même ils le méritent, la v'là ma putain de claque
!
Evidemment, quand on sait que c'est la premier défi post-
The Wire De David Simon et Ed Burns, ça donne forcément envie... comme ça peut rendre circonspect - je ne suis jamais pour ma part "vraiment" rentré dans la série de Baltimore. N'empêches, ici, ça prend bien et très rapidement - encore heureux vous me direz vu que c'est une mini.
J'ai paradoxalement un peu de mal à expliquer par A+B le pourquoi du comment de cette réussite. Passé le fait que la HD, ça déchire - c'est sûr aussi après cinq années de 4/3 à vocation "réaliste", le travail sur l'image est particulièrement soigné, pour les scènes de jour comme de nuit. Mais ce qui frappe immédiatement, comme en général - ou comme ça le devrait - dans ce récit d'une tranche de vie pendant la guerre en Irak tirée du bouquin d'un journaliste de Rolling Stone (incarné ici par Lee "Tobias Beecher" Tergesen), c'est la mise à-plat directe des enjeux dramatiques. L'écriture tend d'abord et avant tout à passer cette évocation sous le filtre des points de vue des hommes, à la fois limpide et ambigu. Limpide, car je parle bien d' "hommes" plutôt que des soldats, leur fonction, ils la portent dans leur langage, uniformes, gestuelles, statuts hiérarchiques... Pas la peine d'insister sur ce qui pourrait en faire des "sur(ou sous)-hommes". A la limite on a l'impression que Burns et Simon en ont rien à foutre de leurs opinions respectives sur ce qu'ils sont en train de faire sur le territoire, d'où une certaine ambiguïté, mais surtout dans le sens où ça ne cautionne ni une charge "bouh les vilains" façon de Palma, ni une mise à proximité des individualités comme l'autre grande épopée de guerre made in HBO, ni - dieu merci - une réflexion assez creuse sur le fait qu'en vrai, ils se font surtout chier, rattrapée par une esthétisation gonflante façon Mendes. Le parti-pris est surtout de mettre en lumière une certaine forme d'un quotidien extraordinaire de l'extérieur, mais banal pour les impliqués. La représentativité est là - Captain America, gamin sorti du fin fond de son ranch forcément complètement flippant, immigré pro-Colour powa le cul entre deux chaises, immigré à carte verte opportuniste qui n'arrive pas à baragouiner un seul mot d'anglais, métrosexuel... - mais elle ne se fait pas office de partition chorale, figure éclatée d'un "dessein supérieur", elle est juste commune mais son côté réaliste - un peu comme la partie "sea, sun et bières" de Bachir - n'empêche pas une certaine légèreté dans les échanges entre les soldats - il y a un humour récurrent, assez rare dans le genre, jamais forcé et qui tranche un peu avec le cliché des "bêtes inéduquées et sanguinaires" . La "partie "charge" est plutôt véhiculée par les grades supérieurs, mais elle ne fait que pointer le caractère arbitraire de la hiérarchie, on n'est pas pour être juges mais pour être dans l'action.
C'est bien cette contradiction qui est captivante: plus on s'enfonce dans la réalité du conflit, plus on s'attache plus à la bulle construite dans laquelle vivent les soldats, par définition interdits de prendre position sur ce qu'ils font, plutôt qu'aux conséquences de leurs actes
.
Dans leur contexte, le décorum de la guerre est beaucoup moins déstabilisant que la possibilité de la mort de "J-Lo". Bon, voilà, je crois que ça résume tout ce p'tit détail: c'est à la fois très sérieux, absolument pas sensationnaliste et très humain comme peinture du sujet. On en a rien à foutre de l'héroïsme, du patriotisme, ou de la violence de ces hommes, on se contente de les suivre, de les comprendre sans forcément les juger ou les porter aux nues, et dans un monde où J-Lo n'existerait plus, il faut bien détendre un peu l'atmosphère. Par ailleurs, les enjeux stratégiques, politiques et humanitaires, ne sont pas mises à l'écart, elles sont justes intrinsèques au propos, et le jargon et la "couleur locale" des militaires passe comme une lettre à la poste.
Enfin, bref, c'est à voir absolument, ne serait-ce que pour comparer avec la fresque Spielberg/Hanks. Et quand bien même je l'ai beaucoup aimée, je sens déjà que celle de Simon et Burns va encore gravir un échelon encore au-dessus - il reste encore quelques zodes me semble - voire c'est déjà probablement déjà fait pour ma part.
Allez, yeah, tout le monde y regarde, hein
!