Voici un doc qui demande une certaine dose de fanatisme (envers Kubrick) pour s’y intéresser. On a retrouvé le chauffeur du réalisateur américain et le film va le faire parler, une heure durant, sur sa relation avec le maître.
J’étais un peu méfiant au départ : n’y avait-il pas d’autres collaborateurs plus appropriés pour parler de ce grand cinéaste ? Qu’est-ce qu’un chauffeur pouvait bien avoir à raconter d’intéressant ? Mais le film a eu raison de mon snobisme.
Déjà, précisons qu’Emilio engagé comme chauffeur au début des années 70, est devenu au fil du temps, bien plus que le conducteur attitré de Kubrick : son larbin diraient les plus méchants, son homme de confiance pour les autres. La liste des tâches que le metteur en scène lui confiait, via des petites notes manuscrites signées S pour Stanley, est impressionnante. La seule chose qu’Emilio prétend avoir jamais refusé à Kubrick, c’est de véhiculer Jack Nicholson pendant le tournage de Shining (il explique dans le film pourquoi, c’est le seul côté people du doc).
De façon générale, le portrait de Kubrick qui se dessine à travers les témoignages d’Emilio est assez conforme à l’image qu’on peut s’en faire quand on connaît un peu le cinéaste : un type qui veut tout contrôler, tout maîtriser, soucieux des moindres détails jusqu’à la maniaquerie et, de fait, très exigeant envers chacun de ses collaborateurs, Emilio compris.
Ce dernier raconte comment le metteur en scène et ses exigences ont grignoté peu à peu sa vie privée au détriment notamment de sa famille. Mais ce qui est notable, c’est que ce renoncement d’Emilio à une partie de sa liberté n’a manifestement pas pour origine une quelconque admiration pour l’artiste Kubrick. Il dit n’avoir jamais vu, du vivant du réalisateur, un seul de ses films, « trop longs » selon lui, et raconte de façon très candide avoir fait rire Kubrick en lui disant qu’il préférait Charles Bronson à Jack Nicholson, comme acteur !
Qu’est-ce qui motivait Emilio alors ? Son salaire (dont il n’est pas question dans le film) ? Son statut social : lui petit chauffeur de taxi devenu le collaborateur d’un cinéaste mondialement connu ?... Et si c’était tout simplement Stanley Kubrick, l’homme ? Le récit pudique d’Emilio le laisse entrevoir. Il raconte ainsi comment Kubrick s’est montré empathique (parfois jusqu’à l’excès) lors de certains moments difficiles de son existence. Oui, Kubrick avait aussi un cœur, lui dont on associe généralement le cinéma à un autre organe : le cerveau.
Et moi qui n’ai jamais pleuré devant un film de Kubrick (sauf devant une scène de Spartacus mais ça ne compte pas puisque le cinéaste n’a jamais considéré ce film comme l’un des siens), j’avoue avoir été ému aux larmes quand Emilio raconte sa séparation avec Kubrick, avant son déménagement pour l’Italie, et qu’on comprend ce qui avait fini par unir ces deux hommes : une estime réciproque qu’on peut aussi appeler amitié.
Le doc est sur Netflix.
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