Jerzy Pericolosospore a écrit:
Un long paragraphe sur la forme chez Sibelius.
Tu viens d'expliciter ce que j'entends par "bizarrerie formelle". C'était pas péjoratif! C'est juste une manière très étrange et personnelle de concevoir la forme.
Après les autres grands symphonistes ne manquent pas... Je ne vais pas citer de nom parce que je vais passer pour snob à citer autre chose que les grands noms, mais je trouve qu'un compositeur en dehors du "grand répertoire" peut avoir des coups de génie qui égalent voire surpassent les symphonies des grands cycles consacrés. Pour être consensuel, je dirais juste que la Turangalila de Messiaen, quand même... si on me demande de choisir entre elle et tout le cycle Shosta, je garde la Turangalila.
Après si on parle de cycles longs, Sibelius est probablement le plus cohérent, oui. Mais j'ai tendance à aimer des œuvres plutôt que des cycles.
Citation:
- Ravel:
---> Moi, c'est le contraire. Le Ravel flamboyant me touche moins. Mais je ne dirais jamais que Ma mère l'oye, c'est juste "rigolo". Il y a un mélange d'austérité et d'émotion contenue dans cette pièce (cette fameuse "part d'enfance" si importante chez lui), qui fait à mes oreilles tout le mystère ensorcelant de sa musique. Surtout dans la version orchestrale.
Mais
L'enfant et les sortilèges, ce n'est pas encore mieux sur ce plan là? Et puis Daphnis ou Gaspard... Au delà de l'esprit, il me semble y avoir plus de nouveauté et de maîtrise dans ces œuvres là que dans le Ravel tardif.
Et pour le Boléro, c'est une expérience de concert intéressante, mais que je trouve un peu limitée... proche de certaines expériences "pop/electro" (c'est sans doute pour ça que les popeux adorent ce morceau) qui cultivent la transe. Mais dans le genre, je trouve plus de satisfaction et de mystère ailleurs que dans le Boléro.
Citation:
- Satie:
Alors là, pour moi, tu passes complètement à côté. D'autant que les pièces que je mentionnais spécifiquement sont d'une austérité crue qui n'a, pour le coup, rien à faire avec de la "fantaisie". Mais il me semble bien difficile, de toute façon, de congédier un univers esthétique par quelques formules expéditives. Y a une certaine forme de mystère du phénomène musical, lié aux énigmes de l'intervalle, de la suspension, de l'ellipse, du silence, que tu sembles vouloir soit dénier soit éviter par des considérations formelles "objectivistes". Dans une telle perspective, il est vrai qu'une certaine forme d'esthétique qui fait vœu assumé de "pauvreté" n'a que peu de chances de se laisser appréhender...
J'ai répondu un peu vite. Pour ce dont tu parles, je le conçois, je conçois qu'on s'y intéresse, mais il ne m'intéresse pas plus que ça - et ce n'est pas au nom de considérations formelles "objectivistes". Je trouve bien plus de mystère, de ce mystère de la suspension et du silence dont tu parles, dans le silence de la mort de Mélisande dans l'opéra de Debussy que chez Satie ou Cage. La "pauvreté" musicale, l'ellipse, a surtout son sens pour moi dans un contexte construit et dense, en tant que retrait. J'aurais tendance à penser que la frugalité musicale, tout du moins dans la musique occidentale, est un artifice.
Mais j'aime bien Kurtag et Terteryan. Et Webern.
Citation:
---> ça m'étonne, je dois dire: la 6è est bancale, formellement, toi qui n'aimes pas les "bizzaries", trois mouvements, et manque la résolution cathartique. Le matériau me semble plutôt pauvre.
Ah mais je n'ai pas dit que les bizarreries me dérangeaient... Mais Shostakovich ce n'est pas bizarre formellement, c'est juste mal foutu. Il n'y a aucune de ses symphonies où j'aime tous les mouvements je crois. J'ai appris à vivre avec.
Citation:
Pour la 4è, connais pas ce Popov, mais expédier ainsi un monument aussi massif, tellurique, tourmenté, tragique, paniquant, qui contient à peu près tous les éléments si spécifiques à Shosta, en faisant référence à un "maître" sinon peu connu, du moins oublié, c'est un peu à mon sens une mignardise de "snob", sorry.
Non non, ils se connaissaient, et Shostakovich lui-même a volontairement écrit sa quatrième en s'inspirant de celle de Popov. C'est même dit musicalement dès la première seconde car les deux symphonies commencent de la même manière. Popov était un génie dont la musique n'a pas été acceptée par le régime, qui l'a très mal vécu et qui s'est résigné à écrire de la musique post-romantique plus banale (de qualité néanmoins). Sans cela il aurait été pu être plus grand que Shostakovich.
Enfin la symphonie de Popov est quand même différente de celle de Shostakovich, qui n'est pas un pompage et reste très Shostakovienne alors que Popov est beaucoup plus extraverti, sans ironie (mais parfois bouffon), sauvage... Encore une fois, j'aime bien la symphonie de Shosta, mais la première symphonie de Popov c'est de la folie furieuse, c'est un enfer total, entre la suite Scythe de Proko et la quatrième de Chosta, qui fait relativiser le "monument aussi massif, tellurique, tourmenté, tragique, paniquant" de Shosta...
Je voudrais rajouter que je ne fais pas grand cas des histoires officielles, surtout quand on parle de pays totalitaires où les innovateurs ont été volontairement oubliés.
Citation:
D'autant que la 11 et la 12, que tu préfères par exemple à la 8è (qui est, de l'avis général - auquel j'acquiesce -, y compris celui du compositeur) sa plus forte (d'une incroyable violence, une immense machinerie sombre et tragique, orchestrée de main de maître), ces deux symphonies relèvent plus pour moi de la "musique à programme", et j'y retrouve les aspects les plus rebutants de Shosta quand il n'est pas trop inspiré: un certain pompiérisme qui confine au kitsch.
Mais j'aime le pompiérisme et j'exècre la subtilité, tu sais. D'un autre côté, tu aimes plein de compositeurs kitsch et pompiers (les américains notamment) toi aussi alors!
J'aime beaucoup la 8 au demeurant (surtout le sublime premier mouvement), je l'ai juste oubliée dans la liste.
Citation:
Vaughan Williams:
---> Ah bon.... Les variations sur un thème de Tallis, je connais peu de personnes qui n'y succombent pas. Tu aimerais à cultiver le paradoxe que ça m'étonnerait pas, lol. Parce que, entre nous, la symphonie "antartica", dans le genre kitsch-ringard, c'est vraiment le côté le plus "walt-disney" du bonhomme...
La septième? Il y a quelques belles subtilités quand même, j'aime bien l'orchestration et ca ne me semble pas virer au pompier. Mais oui, je connais des gens qui à la seule écoute des variations sur un thème de Tallis ou de Larks ascending classent Vaughan Williams dans les compositeurs de mauvais goût. Beaucoup trop même. Enfin depuis qu'une personne m'a dit que Debussy c'était vulgaire et qu'une autre a dit du même que c'était de la mauvaise musique, je supporte tout et ne m'étonne plus de rien.
Citation:
En somme, quelques dissensions somme toute mineures, je me devais juste de réagir à certains de tes commentaires, dès lors qu'on accepte de sortir du précepte neutralisant tout jugement esthétique ("les goûts et les couleurs").
Bien sûr. Mais là c'était simplement pour rajouter quelques pièces à ta liste déjà fournie (et relever quelques fautes de goût ahah), on aura peut être d'autres occasions de discuter plus en avant.
Citation:
PS: à propos de Honegger: "les mouvements symphoniques"... Es-tu sûr de ne pas confondre avec les "métamorphoses symphoniques" (sur un thème de Carl Maria von Weber) de Hindemith?
Non, je parlais de Pacific 31, Rugby, sous-titrés mouvements symphoniques n°1 et 2, et du mouvement symphonique n°3. J'étais surpris de ne pas les voir apparaître dans ta liste.