Forum de FilmDeCulte

Alors que justement c'est plutôt aimer Rubber qui serait hype.

A peine sorti j’enchaîne sur la projection de Rubber, de Quentin Dupieux a.k.a Mr.Oizo. C’est l’histoire d’un pneu serial killer. Devant la salle, toute la clique EdBanger : Pedro Winter, SoMe, Gaspard Augé de Justice qui fait un caméo et a signé la B.O. avec Dupieux. La projection est un régal : le film est drôle et la salle vit à son rythme, ça crie, ça siffle, ça applaudit. C’est jubilatoire. Juste à la sortie, on me file un carton pour la soirée du film, sur le Vieux Port. Je récupère mes acolytes de Metz et Diane Lisarelli, on file boire un coup au « 3-14 », sur une terrasse. C’est le DJ Greg Boust qui officie : je reconnais un morceau de l’album le plus chelou de Neil Young, Trans, culotté de passer ça en soirée.

- Du côté de la Semaine de la critique, hier : l'événement Rubber. Qui déçoit un peu. Pour le coup, je n'étais pas tombé loin dans le report-avant-tout-le-monde de Chronicart #65 : le film est un peu coupé en deux, ou plutôt, c'est un demi-film, complété d'une autre moitié qui fait un peu remplissage (ce que Dupieux lui-même, d'ailleurs, confesse à moitié). Cette moitié-là, sympathique mais dispensable, c'est la partie « conceptuelle », façon mise en abîme : dans le décor désertique du film, des spectateurs installés sur des chaises de camping regardent Rubber, en live, avec des jumelles. C'est assez beau au début, moins quand le film vire à la farce conceptuelle façon Y a-t-il un pilote dans l'avion ? mais branchée - et repêchée en partie, comme je l'avais prédit, du Non film de Dupieux. De l'autre côté, du côté du pneu qui est le héros du film (et qui est monté sur scène avec Dupieux et l'équipe), c'est assez génial parfois. Par exemple, quand le film commence et que le pneu s'anime, se redresse et roule un peu puis tombe, puis se redresse, comme un enfant qui ferait ses premiers pas. Cette coupure entre les deux pôles du film, qui ne se marient pas vraiment, est un problème parce que, d'un côté, Rubber offre de croire à l'incroyable (anthropomorphisme improbable, et pourtant gagné tout de suite, du morceau de caoutchouc), et, de l'autre, invite exactement à l'inverse, suspend la croyance par son entourloupe méta / potache. Croyance contre déconstruction, c'est un problème parce que c'est une ruse, un moyen de s'en tirer ; la preuve, surtout, que Dupieux n'a pas vraiment osé, ou peut-être ne pouvait pas, aller au bout de son idée. De ce point de vue, Rubber, qui reste aimable dans son incongruité, est en dessous de Steak, ou, pour le dire bêtement : c'est un peu moins un film. Entre films et non-films, Dupieux devra choisir, souhaitons qu'il saisira la première option, d'autant que derrière les ruses de pubard, il y a chez lui, parfois, un vrai sens du cinéma, quelque chose de primitif et très beau qui donne envie d'y croire.

Dommage?