whah, la jolie passe d'armes que nous avons eue!
Jerzy Pericolosospore a écrit:
"décadence",
je rebondis sur ce terme là parce que je l'ai utilisé aussi, mais pas tout à fait dans le même sens que Skip.
D'abord je dirai que ce que Skip appelle "décadence", je l'appelle "esthétique baroque". Effectivement on est souvent à l'opposé d'un récit classique, linéaire, rationel, avec un nombre limité de personnages. Il y a quelque chose de chaotique, volontairement. C'est une tentative d'aborder le monde tout à fait autre que quand on cherche à raconter quelque chose.
A certains égards, notamment dans 8 1/2, le projet de Fellini se rapproche de celui de Gide: couper une tranche de vie, mais pas la couper comme on la coupe d'habitude, mince et linéaire, mais la couper dans l'épaisseur, pour essayer d'en donner toute la richesse, et toute la complexité.
Le thème du double, du reflet, de l'apparence qui prend le pas sur la "réalité" est aussi un thème baroque par excellence (et on le voit encore facilement dans 8 1/2, le film sur un réalisateur qui fait un film). Et ça c'est typiquement italien comme conception artistique, et notre esprit classique a parfois du mal avec ça. On cherche l'ordre, et il n'y en a pas. (Ah c'est sûr qu'on s'y retrouve plus facilement dans Visconti!)
Pour la "décadence" proprement dite (au sens presque historique):
on peut prendre comme exemple le Satyricon: la période de l'empire romain avec Néron est bien une période décadente par rapport au monde romain classique et républicain (les valeurs , le pouvoir...tout a changé). En choisissant d'adapter le texte de Pétrone (je crois d'ailleurs qu'il a ajouté des éléments pris ailleurs), Fellini choisit de mettre en images un roman (le premier de l'antiquité) qui ne nous est parvenu que par morceaux décousus. Oui c'est un film qui peint une décadence, surtout si on connait le texte de départ, et l'intérêt peut être que Fellini a vu, c'est de peindre une tyrannie; des potentats ridicules, un monde dont le sol est mouvant et où tous les abus sont possibles.
De là à faire un lien avec la Rome actuelle, les politiques et les corruptions, il n'y a qu'un pas.
Un petit extrait pour le plaisir: une rencontre avec un "Minotaure" qui finit de la façon la plus inattendue pour le malheureux "étudiant":
http://www.youtube.com/watch?v=KPbYzw-sTeI