8 candidats ont atteint le dernier stade de sélection pour rejoindre une mystérieuse mais très puissante entreprise. Réunis dans une salle d'examen, ils ont 80 minutes pour répondre à une simple question. 3 règles sont à respecter pour ne pas être disqualifié : ne pas parler au surveillant, ne pas gaspiller leur feuille et ne pas sortir de la salle. Le problème : ils n'ont pas la question !
Le huis clos, lorsqu'il réduit strictement l'espace d'évolution au point mort, pour les personnages, non pas seulement pendant quelques minutes mais durant tout un scénario, doit révéler un peu plus que des corps. S'affichent les âmes, les cœurs, une présence d'esprit ficelée, une ampleur psychologique, une ambiance musclée, parce que sinon, on se fait chier. Le choix opéré par le réalisateur, Stuart Hazeldine, présente un risque potentiel de dissuader son spectateur à aller au-bout si l'intrigue n'inclue pas des tensions et des imprévus, tout en épousant une dimension caractérielle et caractérisée des protagonistes, avec des différences crédibles et organiques. Autrement dit, un huis clos, c'est un peu croquer la pomme de la discorde profondément, à plusieurs reprises, de manière collective, aussi bien pour le réalisateur que pour l'ensemble de l'équipe. Même s'il oriente sur une grande facilité & pauvreté de l'agencement du décors (une salle, quelques tables & chaises, et surtout la référence temporelle insinuée par le minuteur), il doit émettre une assiduité de tout instant.
Ce terme "assiduité" mérite quelques explications, parce que, j'ai réussi à me convaincre de chaque moment, de chaque angle, de chaque détail, sans jamais décrocher mais... tellement laid cette fin. D'ailleurs, parlons en. C'est tout ce à quoi je m'étais préparé depuis le début.
Les dix dernières minutes écroulent magnifiquement la valeur/les extrémités de l'intrigue. En fait, on pourrait largement s'en passer parce qu'elles n'apportent rien hormis la révélation peu éloquente que l'un des candidats, n'était autre que le patron de cette entreprise. Allez, il faut se verser de la merde dans les yeux pour ne pas s'en rendre compte vu l'adoption comportementale ridicule de son dirigeant, certes curieuse et sincère, mais tellement con-con qu'il en bouffe goulûment sa feuille pour rejoindre son coéquipier derrière la vitre (parce que les persos sont scrutés tout le long hein, et ça, pas la peine de disposer une réplique pour le savoir).
Alors, qu'opère le réalisateur tout le reste du scénario pour parvenir à fomenter son huit clos ? Débuter par la fin, c'est pas vraiment soigné et clair. Eh bien, nos 8 soldats (car ils marchent en garde à vous, un piquet dans le cul) se dirigent dans la salle en silence, en mode gros stress, comme si leur vie en dépendait (ceci n'est pas le jugement de l'âme, mais ça tire dans ce sens). Ils s'installent, un mec arrive, et grosse surprise, parce qu'il ne s'agit ni plus ni moins de Tony Todd, alias Candyman, alias Bludworth dans Destination finale, réinséré dans le monde civilisé et humain en tant que second représentant de la société dont on ne connait rien pour l'instant. Il leur explique les trois règles fondamentales (voir synopsis) et souligne qu'en cas de violation manifeste, elles provoquent ad nutum la disqualification.
Il s'agit pour le spectateur de discerner les contours de cette violation, en particulier son étendue, ses limites. Et donc, s'il existe uniquement trois petites règles simplettes dans la charte de l'épreuve, on en comprend que tout ce qui n'est pas défendu est permis (merci nos révolutionnaires pour cet héritage). Astucieux.
A cela s'ajoute deux autres contraintes délétères: le temps et la question de l'examen. Les candidats n'obtiennent qu'une feuille blanche, sans inscription, sans indication, avec un unique et symbolique stylo, associés à une ambiance bien glaciale vu la voix de l'examinateur. Le minuteur, -80 minutes seulement-, constitue un peu le point de repère de tout ce fiasco. Absence de question, des règles de merde et
un garde inanimé ! On doit l'évoquer car son rôle évolue, bien qu'en constance fixité et en manque d'expression. Il ne parle pas, il ne dit mot mais sa présence explore une piste, non encore développée, parce qu'il est armé. Alors, en tant que gardien de l'épreuve, il doit veiller à ce que chaque candidat se conforme au règlement interne. En cas de défaillance, il apporte sa petite pierre à l'édifice dans ce huit clos car il arrête la personne. Toujours silencieux, avec un visage ferme et déterminé, il se dirige vers celle-ci, pose sa main sur son épaule, signe que l'épreuve est terminée, et l'accompagne gentiment jusqu'à la porte et bye bye ! Ses interventions ne sont pas anodines, elles divulguent un ton bien solennel, imposant, et incroyablement ténébreux, une sorte de Faucheuse réincarnée. Son immobilisme parcourt l'esprit de chaque personnage (en tout cas les cinq derniers présents), chacun se forgeant une idée plus ou moins précise de son utilité pour accomplir cette question. Il est peut-être la clé pour obtenir la réponse. Son arme, n'échappe ni au spectateur, ni aux protagonistes. Pourquoi ne pas en prendre possession et forcer ses concurrents à abandonner ? La présence du garde s'avère donc salutaire à tous car il est inoffensif, sous respect du règlement...
Pourquoi "assiduité" ? On pourrait plutôt parler de rigueur, de régularité ou de justesse dans l'articulation et la permutation de tout ce beau monde. Nos 8 candidats sont assidus, corrects dans leur rôle, chacun trouve sa place avec un bel encadrement dans les propos et dans les interventions. Le réalisateur décide de couper la poire en deux, en respectant à peu près la parité des sexes, mais dépasse même ce cap. Car, au-delà le physique se cache tout un arsenal d'informations bien monté qui devrait naturellement, par principe, surprendre le spectateur. *Big SPOIL*
En effet, outre le sexe, l'apparence physique, le réalisateur transparaît les genres, il catégorise ses personnages par la culture, l'origine sociale, le parcours professionnel allié aux études, le langage, la noirceur également qui suit chacun d'entre eux. Outre ces divers faits, bien intégrés, on constate l'existence d'une histoire très individualisée, avec cette marque intérieure, omniprésente, mais aussi extérieure, symptomatique d'un groupe forcé de parler, de s'identifier, de se présenter. On se trouve un peu au milieu d'un organigramme miniature et maîtrisé, avec cette redondance du mot "entreprise" tout le long du film, chacun enseigne sa fonction, ses compétences, ses atouts, ses défauts, ses apports. C'est vraiment bien foutu, avec ce huit clos, cet espace limité, qui densifie, qui compresse les personnages dans leur évolution.
Cependant, comme les dirigeants sont différents, inaccoutumés, cela implique que les dispositions de la salle témoignent cette singularité. On découvre par exemple, outre le tableau qui dissimule une vitre permettant à l'examinateur de suivre en continu la scène à la toute fin, la possibilité pour les candidats de contrôler la lumière sur commande vocale automatique, les bouches d'évacuation comme dans les vestiaires d'une piscine, etc. Il y a toute une masse d'éléments qui transporte le simple huit clos vers quelque chose de vivant, d'animé et de caractérisé. Les personnages parlent, la salle répond, sous différentes thématiques, c'est étrange mais prenant.
On note la communication clairvoyante, rigide et pas dénuée de sens entre les 8 candidats: la personnalité, de façon cartésienne, se dessine pour chacun d'eux. En effet, on constate divers raisonnements, avec des tempéraments bien dissimulés, audacieux, se mêlant même parfois à des aspects plus religieux ou philosophiques. Chaque personnage pense, pose une réflexion, élabore un topo assez intéressant de la situation tout en se comparant aux autres. Le groupe s'associe, se divise, retravaille en commun, puis se désintègre de nouveau. On constate une variation humaine efficace, dans sa présence, dans son moteur psychologique.
Certains révèlent leur caractère grossier, discriminatoire, vexatoire, en mode "je t'emmerde, je passerai même si je dois t'écraser". D'autres semblent plus humbles, plus modestes, plus réfléchis. J'apprécie énormément le mélange, toujours en dentelle, parce que c'est très convaincant jusqu'à cette horrible fin, complètement délaissée, vulgaire, inutile, sans prévoyance, avec aucune hauteur; ça chie dans la colle, comme si la prestation des acteurs, tenante, jamais à quatre pattes, droite, pas segmentée, cette atmosphère, en équilibriste, n'avaient servi à rien. Dommage.
On apprend tout de même le profil de cette entreprise: gros industriel pharmaceutique qui fabrique des vaccins. Pas con mais en mode bâclé et inopérant. Par contre, ingénieux l'arme du garde, qui ne fonctionne qu'avec son empreinte.
Ha et j'oubliais, il n'y a qu'une seule place de disponible.
C'est une femme qui gagne (mec que nous sommes, on est vraiment à la ramasse dans certains films) !
Dernière édition par Thomas M. le 08 Mai 2016, 17:59, édité 2 fois.
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