Léo a écrit:
Il suffit de discuter cinéma avec une classe de Terminale pour en avoir l'intuition.
L'âge s'est peut-être aussi plus simplement déplacé vers la vingtaine. Je reconnais que les élèves que j'avais croisé à la sortie de la terminale semblaient tous sortis d'un même moule. Qui se résume en gros par la conscience de l'importance des "auteurs", appliquée de ce fait à certains réals de blockbusters pour les défendre (Nolan, Fincher, Cameron, Spielberg), d'un attachement à tout ce qui est maniériste (Refn, De Palma, Tarantino...), saupoudré d'un goût pas toujours très clairvoyant pour le cinéma d'horreur récent, d'un goût pour quelques cinéastes européens ou asiatiques triés sur le volet (très marqués esthétiquement, là encore : Almodovar, Lars Von Trier, Wong Kar Waï, Miyazaki...), le tout parfois prolongé, par strates, vers des cinématographies plus anciennes (le Hollywood des années 70 pour quasi-tous, puis les coréens, japonais, et hong-kongais jusqu'aux années 80, parfois le genre italien, et enfin éventuellement les nouvelles vagues et quelques classiques accessibles, comme Hitchcock, pour certains).
C'est un pack assez cohérent (qui se fonde sur des cinémas qui ne demandent finalement pas vraiment de réadaptation du spectateur sur la manière de regarder un film), tourné vers la notion de réal fier aux scènes tour-de-force visibles de manière isolée, ou du moins vers une maîtrise plastique chatoyante (régulièrement confondue avec ce que peut être la mise en scène). Je pense que c'est seulement après, dans la vingtaine et à partir de cette base (qui n'est pas rien), que certains vont diversifier, être curieux d'autres choses, et qu'ils vont s'approcher d'une cinéphilie telle que tu l'entends.
Le pack plus traditionnel, c'est à dire les adeptes d'un Bergman-Mizoguchi-Tarkovski-Ford-Godard-etc. sont effectivement devenus plus rares. Reste que je ne sais pas si cette sélection, très cloisonnée elle aussi en un sens (dans l'adoration de grands maîtres quasi tous morts, de ciné imposants sans faille ni débordements) était beaucoup plus libre et pertinente.
Citation:
Mais il y a quand même le box-office...
Je me demandais ce matin: de quel film récent la jeune cinéphilie a-t-elle causé le succès ? Si on prend tout le box office de 2011 par exemple, on a quoi ? Drive ? Polisse ? C'est tout. Sur 60 films. Qu'on me dise si j'en ai oublié un.
La cinéphilie a-t-elle vraiment permis par le passé des succès ? Il me semble qu'elle a surtout permis des reconnaissances. J'ai le sentiment qu'on a souvent envie de confondre en un même geste la cinéphilie initiale (celle qui allait regarder du Hawks et du Hitchcock, de la série B ricaine, et qui a construit les outils théoriques pour en parler des heures) et tout le mouvement qui, depuis 10 à 30 ans, donne l'impression qu'on est cinéphile si on va voir les films de Benoît Jacquot
Ce que je veux dire, c'est que le fameux âge d'or de la cinéphilie reposait avant tout sur un cinéma ultra-populaire, qui fonctionnait en salle, et qu'il s'agissait de légitimer aux yeux de intelligentzia. Certes, soyons honnêtes, c'est aussi une génération qui allait voir Rosselini...
Pas sûr sinon que les discussions soient plus stériles ici (ou en tout cas que le cinéma serve d'avantage de prétexte à discussion) qu'à la sortie de cinémathèques il y a quelques années. J'ai l'impression que tant que ça ne se transforme pas en textes et en propositions théoriques solides, tout ça est un peu à ranger dans le même tonneau (et je crache pas sur ces discussions, ici ou ailleurs, ce sont elles qui m'ont formé).
Citation:
Je ne connais pas bien les forums mais j'ai suivi FdC vers 2005-2009 je crois, puis de nouveau depuis un peu plus d'un an: est-ce que la cinéphilie de ce forum a prospéré ? Carrément pas. Il y a par périodes et par à-coups des gens qui reprennent le flambeau avec plus ou moins d'énergie, aujourd'hui c'est toi Tom, sur un mode un peu "ciné-club" qui n'était pas vraiment représenté, voilà. Sinon, on reste dans le même volume de 5-7 personnes qui discutent de HSS quand le topic Batman fait 60 pages.
J'ai pourtant grandement construit ma cinéphilie via ce forum, durant la période 2001-2005. En discutant de blockbuster, mais il reste que... Encore une fois (je vais passer pour
We are the world à force de répéter ça), il faut que ça se mélange. Les foyers de cinéphilie telle que tu la définis ils existent encore, de manière chiche certes, mais ils existent : dans certaines écoles de ciné, dans les facs, dans les festivals qui charrient un nombre de jeune assez important (faut voir le monde à Lussas encore cet été). Les périodes les plus "riches" de ma cinéphilie étaient les moments où je naviguais sans cesse entre ces divers groupes - écoles, potes, et forum donc -, pour conserver cette diversité de films (un exemple simple : j'aurais pas proposé
Dragons à des amis de la fac sans passer ici, j'aurais pas découvert
Streamside Days sans que Zad se dise qu'il avait un intérêt à venir ici poster son avis).
Certes, sur le forum même, seul, ça reste assez déséquilibré. C'est pour ça que je me limite pas à ça. Mais toi non plus, j'imagine, non ? Et finalement pas grand monde ici, je pense...