C'était sans doute l'une de mes plus grosses lacunes, étant donné que la série est considérée, à juste titre, comme l'un des trois chefs-d'oeuvres d'HBO, avec The Sopranos (moyennement fan) et The Wire (très fan) et je me suis enfin décidé à la rattraper lorsque je vis les 3 saisons dispo sur Netflix.
J'ai été immédiatement séduit par la proposition de David Milch, pas tant sa façon de revisiter l'Ouest américain en mode réaliste et crade, même si cela joue, mais dans cette approche théâtrale - une rue principale et quelques bâtisses en guise de scène, en fait c'est Dogville - jusque dans le goût pour le verbe, avec ses personnages qui déclamant un texte presque shakespearien version Kentucky.
Le mec assume le dispositif de façon souvent frontale, comme lors de ces nombreuses séquences où un personnage monologue face à un objet inanimé ou un animal (ou une pute, ce qui, dans l'univers de la série, revient au même) et, outre le record de "cocksucker" à la minute, manie le langage de charretier comme un art.
Au-delà de cette forme, il y a aussi une galerie de personnages comme on n'en en voit décidément plus qu'en série, à savoir complexes et humains. La manière dont Milch déjoue les attentes du spectateur vis-à-vis de ses deux principaux protagonistes, Bullcok et Swearengen, est probablement ce qui rend la première saison parfaite. Je trouve en effet que cette ambigüité tend à disparaître au fur et à mesure que la communauté se construit.
Et c'est normal, après tout, vu que c'est le propos de la série. Comment l'Amérique s'est construite, comment le pays est passé d'une contrée sans loi, sans ordre, à ce qu'elle est aujourd'hui, le tout symbolisé par cet affront entre un ancien shérif as du flingue mais tête brûlée et un chef-né, sans scrupules mais politicien hors pair, et ce avant l'avènement de l'arène politique concrète, aka ce vers quoi la ville de Deadwood se dirige, souhaitant être rattachée à la nation...mais le prix à payer est sanglant et les institutions semblent destinées à être corrompues, comme le sous-entend ce dernier épisode de la saison 3, meilleure conclusion à la série qu'à la saison en soi d'ailleurs.
Je trouve les saisons 2 et 3 en deçà de la première. La seconde parce qu'elle me paraît un peu trop alambiquée, entre les manipulations politiques hors champ et la présence d'un géologue employé d'un riche prospecteur mais qui est aussi un tueur en série, l'un des rares personnages fictifs de la série. La troisième parce qu'elle amène de nouveaux personnages (la troupe de théâtre) tout en gardant d'anciens pourtant éjectables (Cy Tolliver) sans être capable de les traiter convenablement et aussi parce que George Hearst est un bad guy trop maléfique et que la lutte se fait par conséquent plus manichéenne que pour les précédentes saisons.
Ça reste du grand standing, porté par des acteurs impeccables, notamment la révélation Ian McShane, improbable rejeton d'un Anthony Hopkins et d'un Al Pacino, dans un rôle à la Bill the Butcher en plus attachant mais non moins charismatique. C'est triste de se dire que le mec n'a jamais connu, ni avant ni après, de rôle à sa hauteur comme celui-ci.
En tout cas, je me demande si je vais pas tenter la mal-aimée John from Cincinnati et redonner une chance à Luck, toutes deux créées par Milch pour HBO.
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