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MessagePosté: 12 Aoû 2014, 10:40 
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Inscription: 13 Mai 2010, 11:50
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C'est dingue ta liste Dreamworks Karloff, à part Sanders c'est l'hécatombe. Pour le coup là tu peux vraiment l'appliquer sévère, la politique des auteurs...

Film Freak a écrit:
Et pour les deux qui ont survécu (Ratatouille, Brave), je les trouve justement inaboutis, mal fichus.

Oui, on sent les projets rapiécés et les trous comblés par les automatismes du studio. Je suis d'autant plus dégoûté pour Newt, Lifted était mon court de Pixar préféré.



Comme nous sommes sur ce forum imprévisible où le topic documentaire fait cinq pages et le topic Pixar une, essayons de nous retrousser les manches pour s'attaquer à Pete Docter. Et notamment pour décrypter sa veine comique, qui me semble plus centrale que chez Stanton : l'émotion chez Docter court dans les souterrains du film burlesque pour exploser en subites remontées qui nous prennent par surprise. Chez Stanton, tout cela me semble plus dilué...

Il y a une scène dans Monsters Inc. qui résume bien son cinéma, et notamment sa veine théâtrale :

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Le choix d'utiliser une poursuite de lumière devant chacune des portes ne me semble pas anodin : avant même cette scène en particulier, on est déjà dans une configuration de spectacle concernant le boulot des employés. Il y a une scène où il faut rentrer, un public à sidérer, des coulisses où il faut s'échauffer... Dans ce court passage, la lumière ronde, l'épure du décor, et la manière des deux personnages de s'agiter à l'intérieur de ce cadre (et non de s'en extraire), donnent l'impression très forte de "scène" justement, comme deux acteurs burlesques se poursuivant sur les planches d'un théâtre. On retrouve d'ailleurs ce genre de configuration plus tard (très fugitivement, tout de même, mais c'était juste pour le noter au passage), quand une lampe tombée au sol refait office de projecteur de théâtre :

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Or les deux films de Docter commencent d'une façon semblable. Dans Monsters Inc., ce qu'on croit d'abord être le film s'avère être un faux, ce qu'on croit être le décor est une scène de "théâtre" avec public. Dans Up, le film qui débute se révèle être un film dans le film - avec public, là encore.

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Ce genre de mise à distance, comme une façon de nous apprendre comment regarder le film qui va suivre, me semble assez révélatrice. Car je suppose que Docter se fout du théâtre, dont les occurrences ne sont ici qu'un symptôme. Ce qui compte, c'est la légère mise à distance, cette façon de penser le monde comme un "petit théâtre" si l'on veut, avec ce que cela contient d'absurde.

Ça se traduit par une tendance récurrente à filmer les situations de manière un peu abstraite, de loin, de profil, en réunissant les enjeux de la situation dans le plan et en virant ce qui leur est parasite - comme sur une scène, là encore. Ça reste relativement rare dans Monsters Inc. :

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Mais on y a déjà cette tendance régulière à découper la scène (dans la profondeur du cadre, ou par un champ-contrechamp) entre spectateur qui regarde et spectacle qui performe (Sully entrain de mener une bagarre invisible derrière Mike qui discourt, la déchetterie qui détruit ce qu'on croit être Boo devant les yeux effarés de Sully...). On retrouve la même chose dans Up à de multiples endroits, un arrière (ou avant)-plan atterré, silencieux, et un arrière (ou avant)-plan spectacle à observer :

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Cette atterrement, c'est l'essence du comique de Docter. C'est à dire un découpage qui pose une scène ou une arène, fixe et imperturbable, et quelque chose d'improbable qu'on laisse advenir à l'intérieur. C'est le contraste entre les deux (l'imperturbabilité du cadre / le chaos qui s'y déroule) qui crée l'absurde. Les plans-scènes décrits plus hauts pullulent ainsi dans Up, film qui ne cesse de s'abreuver de la contradiction qu'est l'image de ces quatre corps aberrants réunis dans le même plan, au milieu de nulle part :

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Ou par exemple les 16 premières secondes de cette scène, notamment le plan à 12s :



De nombreux passages, dans le film, nous montrent ainsi une connerie (lâcher le GPS par la fenêtre, exploser de colère) résonner au milieu d'un immense plan large qui en souligne le ridicule, la mise en scène appuyant sans cesse l'idée que ses acteurs se débattent pour rien au milieu d'un grand vide, rappelant l'absurdité de la situation.

Or l'absurde peut logiquement être retourné comme un gant, pour donner à voir la face glauque du rire. Comme dans ce plan Beckettien, épurant assez pour qu'il ne reste plus que l'image crue, presque violente, d'un homme fou et de son projet mortifère :

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On pourrait encore parler de l'ouverture, qui fonctionne entièrement comme cela : la vie est un petite pièce de théâtre qui file à la vitesse de l'éclair. Où l'on saute d'un décor symbolique à l'autre, tout comme Monstres Inc. faisant apparaître une nouvelle scène à chaque fois qu'il ouvrait la porte d'une chambre d'enfant.

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La question ici n'est pas tant le style (combien de plans larges...) que la vision que cela pose. La conscience du fait que la vie soit absurde, que tout cela n'est qu'un jeu, que le monde soit une scène, c'est aussi ce qui fait l'élégance du cinéma de Docter.

Déjà parce que l'épure : la situation est toujours réduite à ses enjeux. Chez Pixar, son abstraction discrète fait que c'est le réalisateur le plus talentueux à résumer en une image, en un plan-totem, tous les enjeux d'une situation (le chef de chantier blanchâtre qui regarde droit en posant la main sur la cloture de la maison, par exemple). Là encore, l'ouverture de Up est exemplaire...

Mais aussi parce que c'est justement un cinéma qui accepte l'idée que la vie soit absurde. Quand la maison s'arrache à la ville dans Up, ce n'est pas avec force fracas, mais sans un seul bruit d'ambiance ou presque, dans l'élan d'une valse élégante, comme si notre regard était celui de quelqu'un à distance, observant le phénomène sans en être troublé le moins du monde, l'appréciant calmement un verre de vin à la main. Quand Sully retrouve Boo, c'est sans tambour ni trompette : l'exploit est célébré par le bruitage ridiculement éteint, anodin, de la petite lampe rouge qui s'active (merveilleux contraste), les retrouvailles se contentent d'un contrechamp et d'une petite musique sobre au piano.


La différence entre Docter et Stanton pour moi elle d'abord là, le second me paraissant infiniment plus lyrique, sans cette distance et cette retenue, sans cette notion d'absurdité de la vie. Pour le reste, je ne saurais pas trop comment caractériser Stanton, mais je crois que tu as raison Karloff pour l'exploration et l'inventaire d'un monde écrasant les nécessités dramatiques, ça me semble très vrai.


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Leelooo2703

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