Pour l'instant, je trouve les romans dont on parle cette rentrée plutôt pas mal du tout.
Finalement, j'ai aussi lu le Angot quasi d'une traite. Ca faisait un bail que je n'avais pas lu un de ses romans, sans doute depuis Pourquoi le Bresil, alors que fondamentalement je n'ai rien contre son écriture parlée, martelée, sans doute lassé par l'image qu'elle renvoie dans les médias de femme butée et sectaire. Par exemple, je n'ai pas lu L'inceste, qui est évoqué de manière brève dans son nouveau roman, cet amour impossible qui raconte sa relation avec sa mère, femme juive volontaire et self-made-woman bossant à la secu qui va s'enticher d'un bourgeois en acceptant de le voir à la sauvette, lui refusant de se marier, lui faisant un enfant mais sans le reconnaître.
Effectivement, la clé est dans les trente dernières pages, très fortes, à clé, où Angot, qu'on lit enfant joyeuse et enamourachée de sa mère, soudées et seules, puis adulte cherchant à la repousser, davantage dans l'image taciturne et patibulaire qu'on croit avoir d'elle, finalement revient vers elle et réfléchit sur la clé de tout ça, sur la manière dont ce père immonde a utilisé cette relation. Ca pourrait être de la psychologie de bazar, mais non, ça se tient, dans une logique redoutable et odieuse, et c'est toujours bouleversant, ces fins de roman qui rentrent dans le coeur du problème, où tu sens que les personnages auraient tout pu foirer jusqu'au bout et finalement se regardent en face pour une explication franche, ultime, courageuse, en déplaçant un sujet qu'on croyait cousu de fil blanc vers quelque chose au coeur de l'intime le plus vif. Très fort.
Lu aussi le bouquin de Simon Liberati sur Eva Ionesco, dont tu sens vraiment qu'il veut marcher dans les pas de son maître, Jean-Jacques Schul et son chef d'oeuvre de pop art spectrale Ingrid Caven. Mais il l'avoue un peu trop lourdement et même pire, confesse ne pas utiliser certaines choses qu'il sait d'elle parce que Ionesco veut garder le matériau frais pour son propre travail... On croit rêver... Du coup, son roman ressemble un peu à ces mecs qui essaient de se suicider trente fois mais qui se ratent toujours, et dont on finit un peu de se lasser du côté faux amants tragiques de pacotille qui prétendent avoir une ampleur qui ne masque pas une certaine vacuité, malgré quelques bribes de belles pages d'ici de là.
Le Toni Morrison est un beau mélo et un vrai page turner , et le nouveau Laurent Binet qui vient de recevoir le prix du roman fnac, une savoureuse fausse enquête sur la mort de Roland Barthes qui vire roman d'aventures sous fond de dialectique pedago avec ses confréries secrètes qui s'affrontent en joutes oratoires dans la France de VGE et Mitterrand, et où on ridiculise BHL et surtout Philippe Sollers qui se voit subir tous les outrages.
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