Massachussetts, 1970. Père de famille en quête d'un nouveau souffle, Mooney décide de se reconvertir dans le trafic d'œuvres d'art. Avec deux complices, il s'introduit dans un musée et dérobe des tableaux. Mais la réalité le rattrape : écouler les œuvres s’avère compliqué. Traqué, Mooney entame alors une cavale sans retour.En fait de film de cambriolage, The Mastermind c'est surtout l'inéluctable convergence de la grande et de la petite histoire, ou plus précisément l'inévitable dissolution des particularismes dans les dynamiques profondes qui régissent nos sociétés. Une nouvelle fois dans l'univers de Kelly Reichardt son personnage principal est à la marge, quand bien même de manière moins ostensible cette fois puisqu'il a une famille. Les liens familiaux sont néanmoins pour le moins distendus, un couple qui ne semble plus tenir qu'à un fil, un père juge avec lequel il entretient une relation pour le moins conflictuelle, des enfants dont on se débarrassent avec une poignée de dollars et que l'on finit par oublier dans la voiture. Pour couronner le tout il est au chômage et ne semble pas beaucoup se démener pour trouver une position stable.
C'est que dans le fond James Mooney est un idéaliste, dont on pourra questionner pendant tout le film la nature exact de cet idéal, tant est qu'il existe véritablement. Est-ce l'art, puisque le but de son larcin est de dérober 4 œuvres d'un peintre que son directeur de thèse avait accroché dans son bureau ? Pas sûr. Plus sûrement, plus qu'un idéal bien précis à atteindre, c'est un processus qui semble le motiver, celui d'une ascension, non pas celle sociale que son père attend de lui, une autre, indéfinie, indéfinissable, une forme d'élévation spirituelle en marge d'une société dont il ne partage pas les valeurs. Et Reichardt de démultiplier les verticales à l'écran pour figurer cette ambition, et ce dès le générique. L'une des scènes clés du film le verra ainsi monter et descendre une échelle, jusqu'à ce qu'une fois en haut il la flanque par terre par inadvertance; et parce qu'une fois isolé en haut de la grange il faut bien en redescendre pour de basses considérations matérielles, c'est en se jetant dans le fumier qu'il finira momentanément son parcours. C'est là l'ambigüité des verticales dans The Mastermind, qui servent autant à signifier l'ambition de son personnage principal que son aveuglément, autant des axes selon lesquels James se meut que des interférences derrière lesquelles il est régulièrement amené à disparaître.
Parce que, à l’instar des personnages principaux de ses précédents film, et ce malgré toute l’affection que Reichardt semble éprouver pour ces marginaux, il n’est point d’issue pour eux en dehors de la société, soit ils devront s’y fondre, ou disparaître. Dans The Mastermind, l’action se passe au début des années 70, les dernières années de la guerre du Vietnam. La guerre est partout (sur les écrans, à la radio, placardée sur les murs), Josh ne la voit pas (ou ne veut pas la voir). Et quand un ami lui propose de s’exiler au Canada, il balaie l’offre d’un revers de mains, nulle envie de se retrouver au milieu de beatniks et de conscrits ayant fuit l’incorporation, ce serait trop lui rappeler les contingences de son époque. Et c'est donc ironiquement qu'au détour d’une manifestation pacifique, après avoir commis l’irréparable, il se retrouvera définitivement happé par les conflits auquel il avait jusqu’à présent savamment réussi à échapper.
NB. Pour en revenir au contexte historique, entre sa première mention (une occupation d'un campus qui se termine en eau de boudin, avec fermeture et expulsion) et la scène finale, on pense nécessairement à celui de notre époque contemporaine, de l'occupation de Columbia à la déportation de Kilmar Abrego Garcia. Reichardt aurait voulu traiter de manière détournée de l'importation du conflit à Gaza sur le sol états-uniens qu'elle ne s'y serait pas prise autrement.
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