Forum de FilmDeCulte

je pense souvent que c'est un peu dur de s'enthousiasmer pour des carrières françaises.
exemple : eric besnard. dans l'absolu, le mec est un solide b-list, carrière impressionnante.
il a réalisé 10 films en 25 ans de carrière, quasiment tout à plus de 10 millions de budget, en allant du film d'action à la comédie au film historique. c'est aussi un scénariste actif de babylon ad à l'empereur de paris...
c'est un aussi un improbable nepo baby, fils de jacques besnard, réalisateur de c'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule dont j'avais parlé ici il y a 3 semaines.
et tout le monde s'en fout, donc.

alors voilà, il est super mainstream, cinéma sans grande aspérité, pas un vrai bon film dans la liste. ça en dit aussi long sur le cinéma français - qui offre des carrières aussi longues et impressionnantes à des gens qui font juste des films propres, que sur le milieu des cinéphiles un peu déconnecté du mainstream de l'industrie et s'emballe sans fin sur des films qui font 100k.

mais genre ça, dans l'absolu, c'est pas mal et ça aurait du générer un peu d'intéret.

c'est une adaptation des 100 premières pages des misérables, qui développe sur 1h30 un événement central mais qui est souvent raconté en 10 minutes chrono : pourquoi et comment l'homme d'église absout valjean de son vol. c'est sympa comme angle, avec l'idée de prendre le temps d'explorer tout cet événement, lui donner son sens narratif et moral, aller raconter l'histoire des personnages que croisent valjean et impactent sa vie. vraiment une belle intention, qui a du sens, porteuse et créative.

et ça n'est pas fait n'importe comment. il tient son approche de bout en bout, avec un soin et un amour très manifeste pour le texte.
ça n'est pas non plus un faiseur industriel d'images. le lien avec louise violet, son précédent film, est évident. il y a une exploration de la france du passé, l'envie de montrer que la france s'est construite sur le long cours, que ça n'a pas été un long fleuve tranquille, que nos ancêtres ont morflé, dans un mélange de tâches physiquement ingrates et pénibles et d'élans et d'aspirations morales qui ont bâti notre civilisation. et dans les deux cas, dans un dialogue évident avec les interrogations identitaires actuelles, ici en célebrant le fait de vouloir integrer les exclus et miséreux et qu'en donnant une chance - ou une deuxième chance - aux gens qui dérivent ils finiront par devenir des membres utiles de la société.

alors ça n'est pas un immense metteur en scène du tout - le fail monstrueux de casting d'alexandra lamy et bernard campan n'étant que partiellement compensé par le smash complet de casting de grégory gadebois, absolument parfait et impérial. mais l'ambition de faire quelque chose est ici partout. c'est lent, ce n'est pas scolaire friendly et il assume pleinement de laisser le récit s'étendre, d'épouser le rythme de l'époque. étalonnage numérique est régulièrement dégueulasse mais il arrive en complément de choix forts en terme de photo, de couleurs à l'écran, et la beauté de certains cadres et le soin apporté aux décors compense très souvent.

et dans la cascade d'adaptations des misérables, le faire avec un angle original et pertinent comme celui-ci, le faire avec de vraies volontés artistiques de bout en bout, et réussir un jean valjean aussi fort, c'est quand même pas rien.

mais bon, ça vient après 9 films qui étaient, dans le meilleur des cas, pas terribles. ça vient d'un mec chiant dont on se fout.

donc ça bide sévère et tout le monde s'en fout - angle trop fort pour le public mainstream et issu d'un milieu trop mainstream pour intéresser les cinéphiles.

mais c'était bien.

Le cringe total de Bernard Campan dans le trailer.

_________________
CroqAnimement votre

Morceaux choisis de ma fiche pour TF1 :

"Se focaliser sur la charnière capitale dans le parcours d’un personnage célèbre comme Jean Valjean et prendre le temps de dessiner tous les contours du cheminement qui a mené un homme blessé et dénué d’espoir en l’humanité devenir celui que l’on connaît n’est pas sans pertinence. En réduisant l’arène des Misérables presque à une unité de lieu et de temps, le scénario ramène l’essence du propos de Victor Hugo à sa substantifique moelle, racontant une grande histoire à travers une petite, de façon narrativement économique et fraîche après tant d’adaptations"

"C’est une approche intéressante mais ça ne va pas très loin et ça s’adresse pas à grand monde in fine alors même que ça traite de réhabilitation, de justice, de seconde chance, de la façon dont on choisit de traiter les autres et ce qu’on souhaite faire de sa vie. Les thèmes sont forts - c’est Hugo quand même - mais l’exécution un peu simplette. J’ai du mal à voir le film connaître autre chose qu’un succès d’estime en salles et attirer beaucoup de spectateurs en prime-time sur la seule promesse de tête-à-têtes dans un salon."

"En ne disposant pas de l’intégralité de l’arc du protagoniste, le scénario ne peut se rabattre que sur la caractérisation est celle-ci se fait sommaire et unidimensionnelle, et ce pour tous les personnages. En choisissant de raconter ce qui a poussé Valjean à changer, ce qui n’arrive que dans la toute dernière scène, le film ne peut que rejouer la même note tout le long : Valjean est brut, Bienvenu est bienveillant, Baptistine est empathique et Madame Magloire est paranoïaque. Chacune de leurs répliques respectives ressasse la même idée, inlassablement, sans qu’une quelconque évolution, notamment celle de Valjean, ne s’infuse tout au long du récit. Tous les flashbacks du monde sur le passé de Valjean - essentiellement des clichés mille fois vus et sans un soupçon de variation qui pourrait leur amener le struct minimum de fraîcheur - ne suffisent pas à rendre le personnage intéressant. Bienvenu aurait pu l’être mais lui aussi voit ses flashbacks utilisés non pas pour apporter de nouvelles informations qui enrichiraient et approfondiraient le personnage mais pour souligner des choses que l’on a déjà compris sur lui et sur sa personnalité. Un passé trouble est évoqué mais le film n’en fait rien. Seule Baptistine voit son passé détaillée de manière plus inattendue et touchante mais c’est bien peu. "

"En se focalisant exclusivement sur les premières pages du roman de Victor Hugo, le film ne trouve pas grand chose à raconter en termes d’événements pur. Pour le dire plus simplement, il ne se passe pas grand chose. Besnard aurait dû en profiter pour extrapoler plus largement à partir de ce qui existe dans le roman afin de développer ce qui l’intéresse sur la façon dont Bienvenu parvient à toucher Valjean et à le faire évoluer mais au lieu de ça, on a l’impression que le scénario en est encore à présenter les personnages alors qu’on a dépassé les 30 pages, et qui plus est par le biais de flashbacks superflus. Par la suite, le récit fait du surplace, piétinant entre deux flashbacks pour gagner (ou perdre devrait-on dire) du temps avant sa conclusion. "

"Je ne saurais prétendre savoir ce qui provient directement du roman original et donc de la main de Victor Hugo et ce qui tient d’Eric Besnard mais l’écriture des dialogues est plutôt réussie, communiquant adroitement tant l’identité des personnages que l’époque. Je suis moins convaincu par l’usage régulier, durant les flashbacks notamment, de la voix off de personnages secondaires qui semblent reprendre la narration du roman pour décrire le personnage de Jean Valjean. J’imagine que c’est pour continuer à travailler la notion du regard des autres sur le protagoniste mais ça paraît vraiment en trop et incongru. Une fausse bonne idée stylistique. "

J'hésitais à y aller pour voir ce que ça donnait porté à l'écran mais trop de films plus intéressants à voir.

_________________