Marty Mauser, un jeune homme à l’ambition démesurée, est prêt à tout pour réaliser son rêve et prouver au monde entier que rien ne lui est impossible. Quand, après une longue carrière fructueuse, les frères Coen ont choisi de tourner chacun un film en solo, le gouffre entre le
The Tragedy of Macbeth de l'un et le
Drive-Away Dolls de l'autre était aussi bien stylistique que qualitatif et il était facile de vanner en disant qu'on savait désormais qui avait le talent. Je ne connais pas aussi bien l’œuvre des frères Safdie mais il est intéressant de voir comme leurs films solo à chacun, sortant la même année, partagent des points communs très précis - deux simili-biopics sportifs (où le Japon tient une place importante) - mais une approche radicalement différente (ici, ce n'est d'ailleurs que trèèèèès vaguement inspiré d'un vrai gars) et c'est le film de Josh qui a été rapproché de leurs deux précédents,
Good Time et
Uncut Gems...et qui s'avère le plus réussi des deux.
J'aurais pas cru accrocher davantage à celui-ci qu'au film de Benny, comparse de Nolan donnant son premier rôle sérieux depuis longtemps à mon The Rock adoré,
but here we are. J'avais adoré l'énergie de la première moitié de
Good Time que je suis visiblement le seul à ne pas avoir retrouvé dans
Uncut Gems, un film que j'estime inintéressant, mais elle parcourt tout
Marty Supreme, faisant passer ses 2h29 comme une balle (de ping pong, lol #ArnotteSchoolOfJoking).
Pendant près d'une heure, je ne comprenais pas trop les rapprochements avec les films susmentionnés, parce que le premier tiers s'inscrit dans une sorte de prise en cours de route d'un
rise and fall, et non dans ce genre que j'exècre du protagoniste qui s'enfonce bêtement dans une spirale d'emmerdes en enchaînant les mauvaises décisions.
Et j'étais à
donf.
Entre le grain de la pellicule qui capture la vivacité urbaine d'un New York infernal (superbe travail de Darius Khondji, évidemment), ses émanations de vapeur dans les rues, et la BO aux sonorités synthé de Daniel Lopatin (aka Oneohtrix Point Never) quand ce ne sont pas des morceaux allant du post-punk de Public Image à à la
new wave de Tears for Fears, j'avais vraiment l'impression de regarder un
character study '70s avec l'énergie d'un Scorsese ou d'un Cimino des années 80 mais sans jamais que cela ne ressemble à de l'imitation comme un
Joker ni à une sorte d'exercice référencé fier de son anachronisme pop (ça se passe en 1952). Le film est parfaitement bien dans sa peau. Il sait exactement ce qu'il est et ce qu'il fait.
A l'image de son personnage.
Dès le départ, Timothée Chalamet, dans son meilleur rôle à ce jour, porte le film en incarnant à merveille ce petit con arrogant persuadé de son talent et de sa réussite, parvenant à transcender une caractérisation qui devrait en faire un mec imbuvable pour le rendre attachant ou du moins pour le comprendre. On le suit comme si c'était Frank Abagnale dans
Catch Me If You Can. Tant et si bien que lorsque le film bascule finalement dans une série de péripéties renvoyant en effet à
Good Time et à
Uncut Gems, en lieu et place d'un montage d'entraînement avant le
comeback, il est plus facile d'avoir de l'empathie. Par ailleurs, l'écriture appuie son sens de la ressource plutôt que des choix clairement pourris et surtout, tout se fait au service d'une ambition et d'une passion sincère et non par simple appât du gain addictif d'un parieur patenté.
Et c'est tout le propos du film, qui résonne comme une célébration de l'égoïsme de la jeunesse. Le mot est sans doute trop fort parce que le portrait est sans fard et conscient des abus du jeune homme. C'est à la fois une critique de cette façon de réussir en enfonçant les autres et en même temps une démonstration de l'efficacité du solipsisme du petit spermatozoïde qui va réussir. On n'est pas dans une leçon d'humilité téléphonée classique. C'est en filigrane la peinture de la génération des immigrés juifs d'après-guerre, en lutte contre le monde entier, du genre qui s'octroie la réalisation des pyramides et relate les astuces d'un rescapé des camps comme s'il aspirait au même degré de mythification, mais le regard est compréhensif envers ce moins que rien qui exploite son entourage afin qu'ils l'aident à
"make the most of freedom and of pleasure" parce que
"nothing ever lasts forever" comme le dit la chanson et qu'un jour il faudra passer à l'âge adulte et assumer ses responsabilités mais qu'on veut devenir l'homme que l'on aspire à être avant ça.