Harvey Wratten, à la tête d'une grande organisation criminelle, est assassiné alors qu'il vient de passer deux années derrière les barreaux. L'inspecteur Jonah Gabriel se voit assigner l'enquête. Sa première affaire depuis qu'il s'est fait tirer dessus lors d'une intervention de police qui a coûté la vie à son partenaire...
Un diamant noir que ce feuilleton en sept épisodes d'une heure lancé par la BBC avec la crème de la distribution anglaise: Chiwetel Elijofor en flic amnésique et peut-être pas complètement intègre en équipe avec Kierston Wareing (remarquée et remarquable dans It's a free world de Loach), Stephen Rea immense en inquiétant prédateur méthodique se lançant aux trousses de quiconque ayant un lien avec la mort de Wratten, Christopher Eccleston tentant coûte que coûte de mettre en place une affaire de trafic de drogue malgré la mort du parrain pour pouvoir sauver sa femme atteinte d'une maladie dégénérative, ou encore Rafe Spall (qui jouait le serveur du resto mexicain avec qui Anne Hattaway restait faute de mieux dans Un jour) en neveu de Wratten, psychopathe incontrôlable servant son propre besoin de revanche.
Hugo Blick, qui a écrit, réalisé et produit ce grand polar, infaisable en France, n'a pas le sens du compromis. On ne saute pas au plafond au premier épisode, se croyant dans une petite enquête proprette avec ses gentils et ses méchants qu'on pourra conseiller à maman entre deux grilles de sudoku et un solitaire. Pourtant très vite on se rend compte que Blick tisse, dans un rythme lent mais assuré, méticuleusement sa toile, avec une atmosphère suffocante qui se sert des codes du genre pour les pervertir dans des enchevêtrements plus complexes qu'il n'y parait, ne laissant rien au hasard et n'épargnant personne, jusqu'à devenir carrément addictif. Toile d'araignée conspirative qui nous met vide au défi de deviner lesquels vont survivre, lesquels vont y passer, et surtout quand, alors que ceux qui ont un code moral et ceux qui n'ont aucune valeur ne sont pas forcément ceux qu'on croit, The Shadow Line pourrait se rapprocher de The Wire, mais sa forme fermée (sept heures, un dénouement à la clé) la ferait plus lorgner vers la première source d'inspiration de Blick le control freak: Gotham City.
On pense à des réalisateurs emblématiques des seventies à Pollack, Lumet ou Pakula. A cette volonté de ne pas faire de fun pour le fun en n'utilisant presqu'aucune musique mais en même temps en voulant marquer la rétine au noir c'est noir avec des personnages qui restent, souvent sapés de la même manière: l'imperméable et le costard de l'inspecteur, l'écharpe et le feutre mou de Gatehouse. C'est une grande oeuvre et ceux qui aiment la grande télévision ne peuvent pas passer à côté, plutôt que d'attendre une éventuelle adaptation ciné vidée de sa substance à la State of play.
5/6