ASSISTANTS PARLEMENTAIRES : COMMENT MÉLENCHON A ÉTÉ DÉNONCÉ À LA JUSTICE...
... avec l'accord de Marine Le Pen, qui le soutient aujourd'hui

Les domiciles de plusieurs Insoumis, de Jean-Luc Mélenchon, et les locaux de la France insoumise ont été ce mardi matin perquisitionnés dans le cadre de deux enquêtes en cours. Jean-Luc Mélenchon a raconté l'intervention en live sur Facebook. ASI a reconstitué la manière dont Mélenchon a été "balancé" à la Justice. Avec l'accord de Marine Le Pen.
C'est sans doute la première perquisition retransmise en direct sur Facebook. "Si vous savez pas pourquoi la bande qui trafique en bas de chez vous ce matin est tranquille, c'est parce que [les policiers] sont tous occupés à la France insoumise", déclare Jean-Luc Mélenchon, ce mardi matin, dans un Facebook live. Visiblement à peine réveillé, le député de Marseille a conté, toute la matinée, la perquisition dont il a fait l'objet, lui, la France insoumise, le Parti de gauche, et une quinzaine de proches, dans le cadre de deux enquêtes préliminaires concernant la France insoumise et son leader : celle des anciens assistants parlementaires européens de Jean-Luc Mélenchon, qui auraient été utilisés par le Parti de gauche, et celle des comptes de campagne du candidat insoumis à l'élection présidentielle de 2017. Dans différents Facebook live (ici, ici, ici et ici) réalisés en présence des policiers, Mélenchon raconte ces affaires, entrecoupant son récit d'interpellations aux policiers et d'indignations solennelles.

Ce récit "en direct" de Mélenchon étant parfois incomplet, ASI a tenté de le compléter.

Mélenchon explique aux internautes : "Ils viennent chez moi pour une enquête préliminaire sur mes assistants de député européen". Selon Mélenchon, l'enquête aurait été lancée "sur la base d'une dénonciation d'une femme d'extrême-droite, qui disait elle-même que c'était une plaisanterie".

Que s'est-il passé ? En mars 2017, une enquête préliminaire a effectivement été ouverte par le parquet de Paris pour "abus de confiance", visant 19 députés européens de tous bords et leurs assistants parlementaires. La justice cherche à savoir si ces assistants parlementaires ont été utilisés à autre chose qu'à leur tâche à Strasbourg et Bruxelles. Elle-même visée, Sophie Montel, alors eurodéputée Front national (elle a depuis quitté le parti, mais gardé son siège au Parlement européen) adresse un signalement au procureur de la République de Paris. Dans le viseur de la députée : Mélenchon. Et le parquet joint dans la foulée le signalement à l'enquête préliminaire. Mélenchon est donc bien sous le coup d'une enquête préliminaire concernant ses anciens assistants parlementaires européens.

UNE QUINZAINE DE PERQUIS' POUR UNE "PLAISANTERIE"?

Une plaisanterie? Ce n'est pas ce qu'en dit Sophie Montel. Contactée par ASI, l'ex-frontiste explique : " A l'époque [début 2017], les parlementaires européens FN, dont moi-même, étions embêtés pour le même type d'affaire. Un de mes collaborateurs apparaissait sur l'organigramme du FN, à titre purement honorifique. Pour cela, j'ai eu une sanction administrative du Parlement européen, et le Front national est sous le coup d'une enquête en France. Alors j'ai dit à Florian Philippot : "Il faudrait se défendre". Avec son accord, j'ai commencé à passer au tamis les assistants parlementaires de la cinquantaine d'autres députés européens français. On les a tous googlisés pour voir s'ils apparaissaient dans des organigrammes de parti ou de campagne."

C'est ainsi que les noms de quatre assistants parlementaires de Mélenchon apparaissent dans l'organigramme du Parti de gauche. "Ensuite, j'ai transmis ces éléments à la justice. Si elle trouve qu'il y a matière à ouvrir une enquête, c'est son travail." Concernant le cas de Mélenchon, Montel a demandé l'aval de Marine Le Pen avant de transmettre les éléments au parquet. Dans un mail qu'ASI a pu consulter, la présidente du Front national donne son accord. Ce que Montel lui a rappelé ce mardi sur Twitter... en réponse au soutien que Le Pen vient d'apporter à Mélenchon.

LA COMMISSION VALIDE LES COMPTES... ET LES SIGNALE À LA JUSTICE
Mais cette affaire n'est pas le seul motif de la perquisition. Mélenchon : "C'est aussi l'affaire des comptes de campagne. Vous savez que dans l'affaire des comptes de campagnes, il y a une enquête préliminaire."

Les médias ont largement couvert cette épisode, avec une certaine gourmandise, comme le remarquait ASI à l'époque.

Une enquête préliminaire a donc aussi été ouverte dans ce dossier, toujours par le parquet de Paris. Le 20 novembre 2017, le rapporteur de la Commission nationale des comptes de campagne Jean-Guy de Chalvron, chargé de vérifier la régularité des dépenses effectuées dans le cadre de la présidentielle 2017 de Mélenchon, démissionnait, soupçonnant des surfacturations. La Commission n'avait finalement retoqué "que" 430 000 euros sur les 10,7 millions, et validé le compte de campagne en février 2018. Oui mais voilà, en mai, L'Express révélait que pendant que d'une main, elle validait les comptes de Mélenchon, la commission... les signalait de l'autre au parquet de Paris. Un signalement jugé suffisamment solide, donc, pour ouvrir une enquête préliminaire en mai 2018. Et pour envoyer, quatre mois plus tard, la police perquisitionner.

MACRON/MÉLENCHON, DEUX POIDS DEUX MESURES?
Protestant contre cette perquisition, plusieurs Insoumis ont dénoncé un "deux poids deux mesures", dans la sévérité judiciaire, avec les enquêtes visant le pouvoir. S'il est vrai que le bureau d'Alexandre Benalla, à l'Elysée, a été lui aussi perquisitionné (notre dossier complet est ici), en revanche concernant les comptes de campagne d'Emmanuel Macron, aucune perquisition n'a jusqu'ici visé la macronie.

Pourtant, comme le note Mélenchon, les policiers sont bien censés s'intéresser aux comptes de campagne du président. Le 11 juin, le groupe Les Républicains du conseil municipal de Lyon avait porté plainte contre X, suite à des soupçons de détournements de fonds de la Ville au profit de la campagne du candidat Macron. Dix jours plus tard, le parquet de Lyon ouvrait une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics, financement irrégulier d'une campagne électorale, abus de biens sociaux et recel. L'enquête s'étant ouverte plus tard que celle sur la campagne de Mélenchon, on peut supposer que d'autres perquisitions viendront en leur temps.