(copier-coller)
Les calendriers qui se piquent d'être exhaustifs alignent au moins deux douzaines de saints ayant porté ce nom. Mais puisqu'on s'en tient à ce que le martyrologue commémore le 14 février, il faudra évoquer trois personnages : un prêtre romain, un évêque itinérant de Rhétie et un évêque de terni; Ce dernier, honoré comme célèbre martyr à Rome, représente l'identité à travers il est le plus connu.
Sans tenir compte de la coïncidence de leur anniversaire, ce qui prouve que les deux saints Valentin italiens sont identiques c'est que le tombeau du prêtre romain se trouve dans un cimetière de la voie flaminienne et que l'évêque est honoré à Terni, ville italienne située sur le prolongement de cette voie. Le culte s'est donc propagé le long de la voie flaminienne et implanté à Terni.
Après de laborieuses hésitations, les spécialistes ont reconnu un seul personnage historique : Valentin de Rome dont Valentin de Terni, malgré sa mitre d'évêque, n'est qu'un pâle doublet littéraire.
Quant à Valentin de Rhétie, sa légende même résulte également d'une contamination avec ses homonymes, réel et fictif.
La question reste à savoir pourquoi ce saint est-il associé à la coutume qui porte son nom ? Dans le dictionnaire universel alphabétique et analogique des noms propres (Robert), il nous est indiqué que "c'est pour des raisons obscures qu'il est mêlé depuis le XVe siècle au moins avec la fête des amoureux" ... et pour cause ! Lorsque l'on s'affaire à en rechercher le lien, nous sommes confrontés à une bibliographie et à de multiples sources d'informations qui sont soit passablement incomplètes, soit contradictoires. Nous exposerons donc toutes les hypothèses qui s'offrent à nous pour obéir à un souci d'exhaustivité d'une part et de non partialité d'autre part.
Nous amorcerons donc la partie biographique de Saint Valentin qui alimente notre questionnement sur un point qui ne porte pas à débattre : en 250, l'empereur Dèce prit un édit contre tout ce qui contrariait le culte impérial, les chrétiens étant particulièrement visés. Valentin fut dénoncé et arrêté en 268. Il jouissait d'une haute réputation de sagesse et de sainteté qui lui attirait la vénération des Romains, y compris les païens. La preuve en est que lors de son arrestation, l'empereur Claudius II, dit le Gothique (car il était obsédé par l'invasion des Goths), l'interrogea et lui demanda pourquoi il se refusait à adorer leurs dieux. Valentin lui répondit : "Si vous saviez le don de Dieu, vous seriez heureux vous et votre empire, vous rejetteriez le culte des idoles, vous verriez qu'il n'y a qu'un seul Dieu...". L'empereur fut si ému et si désemparé que n'osant braver son entourage païen et craignant quelque trouble de la ville, il abandonna le prêtre au préfet Calpurnius. Celui-ci pour faire taire les rumeurs d'une éventuelle conversion de Claudius II, mit le prêtre sous la garde d'un officier nommé Asterius. Mais à son tour, ce dernier fut subjugué par la foi rayonnante de Saint Valentin et lui lança un défi : s'il guérissait sa fille aveugle, il se convertirait. Le miracle se produisit et Asterius tint sa promesse ainsi que toute sa famille, 46 personnes dit-on, qui intégrèrent la communauté des chrétiens sur-le-champ. Redoutant un bouleversement de la paix civile et un revirement de la maintenance du culte des idoles, l'empereur romain enferma Valentin dans une cellule avant d'ordonner qu'il soit décapité sur la Voie Flaminienne (Via Flaminia) le 14 février 270.
Pour faire preuve de précision et de manière à lever toute confusion, la légende de "Valentin bis" honoré à Terni résulta de la querelle qui opposait Rome à Terni : celle-ci, pour mieux concurrencer Rome, en fit un évêque et le plaça sur le siège de Terni, l'officier Asterius devenant le philosophe Craton et sa fille aveugle étant remplacée par un garçon atteint d'un mal incurable.
Mais si Saint Valentin est devenu le Patron de ceux qui s'aiment, ce fut peut-être moins à cause de lui-même que la date où il est célébré.
Comme dans nos pays, les premiers beaux jours d'un printemps précoce se montre souvent en cette mi-février consacrée au célèbre martyr, les anciens calendriers, habiles à mêler saisons et religion, astronomie et liturgie, représentaient par un soleil le retour de Saint-Valentin sur le cycle.
Après le plus fort de l'hiver, nos pères se préparaient à la belle saison prochaine en observant scrupuleusement le dicton populaire noté au 14 février dans les almanachs du bon vieux temps :
"Saignée du jour Saint-Valentin
Fait le sang net soir et matin
Et la saignée du jour devant
Garde des fièvres en tout l'an"
Certains ont expliqué que Saint-Valentin fut revendiqué comme le patron des Amoureux dès le Moyen-Age. A cette époque, affirment-ils, une opinion s'accrédita, spécialement en France et en Angleterre, qu'à cette date du 14 février, les oiseaux commençaient à s'accoupler. "A mi-février, bon merle doit nicher" dit le proverbe et, ce jour-là, chaque Valentin devait choisir sa Valentine...
D'autres ont prétendu que l'on se trouvait là en présence d'un phénomène morphologique courant : par assimilation du V au G (comme Vedastus du 6 février a donné Gaston, Vitus du 15 juin s'est transformé en Guy, etc...).
Valentin et Valentine auraient tout naturellement évolué en Galantin et Galantine,
d'où la petite fête galante du 14 février. Ce qu'il fallait démontrer.
Seulement la vraie raison n'est-elle pas tout autre ?
Le folklore est trop proche de la vie pour se contenter d'une sèche réponse.
Une autre hypothèse semble plus vraisemblable.
Il apparaît que l'Eglise voulut abolir une fête païenne célébrée très précisément le 15 février, lendemain de la fête de Saint-Valentin : les Lupercales.
Les Lupercales (du latin "lupus", le loup) étaient liées aux origines de Rome et tirent leur nom du Lupercal, grotte au flanc du Mont Palatin, dans laquelle la Louve allaita les jumeaux Romulus et Remus. Ainsi sauvés par la Louve, ils grandirent et, plus tard, délimitèrent et créèrent la ville de Rome.
Les Lupercales devenaient ainsi la grande fête de la reconnaissance et de la Fécondité.
Cette fête comportait trois actes : le sacrifice d'un bouc, la course des luperques et un banquet. L'essentiel en était la course que les luperques faisaient à demi-nus, frappant les femmes avec les lanières découpées dans la peau de la bête que l'on venait d'égorger. Les coups de lanières étaient un rite de fécondité dont les femmes attendaient grossesse et heureuse délivrance.
Les Lupercales subsistèrent longtemps puisque le pape Gélase Ier n'en obtint la suppression qu'en 495 ; pour lui, c'était une fête de religion démoniaque.
Les Lupercales furent sans doute parmi les derniers rites païens à disparaître de la Rome désormais chrétienne.
Il paraît donc vraisemblable que l'Eglise, pour en effacer le souvenir, ait majoré la fête de Saint-Valentin qui se célébrait la veille. Saint-Valentin serait ainsi devenu le protecteur des couples.
Cette manière de faire est constante dans l'Eglise qui a christianisé fêtes et lieux païens.
Extraits de :
- "Amourette, bluette ou passionnette : l'amour en fête se laisse compter fleurette" - Alexandra Emboulas (Maîtrise de sociologie - septembre 1995)
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