Un Ticket pour Deux / Planes, Trains and Automobiles (1987)
Le titre anglais confère au film une tournure moins comique et plus conceptuelle, à la fois post-moderne et ulyssienne .
En gros c'est un Buddy movie hivernal de Thanksgiving un peu poussif avec Steve Martin et John Candy, un peu inspiré par l'Emmerdeur de Molinaro, et aussi par Dickens.
Un publicitaire de Chicago doit rencontrer un grand client à New Yrok et ne vaut pas s'éterniser là pour rentrer fêter Thanksgiving avec sa jolie femme et ses enfants, pas encore ado.
Il fait des pieds et des mains, dans une logique de lutte darwinienne, pour prendre un vol intérieur en début de soirée, mais une tempête de neige ferme le trafic aérien pour 48 heures et déroute son avion vers Wichita, à 1000 km.à l'ouest de Chicago, chez les redneck.
Il se farcit son voisin de siége,VRP (en anneaux de rideau de douche) Séraphin Lampionnesque, collant, gaffeur mais aussi plus débrouillard, de motel en motel et de bugs Greyhound en voiture de location. Convenu et familial (mais avec une dimension un peu slapstick plus si courante dans le cinéma finalement, dès lors que les personnages n'ont plus peur de la situation et sont techniquement immortels, ils, ou plutôt le réalisateur va s'amuser à pêter de plus en plus de truc - ceci dit la situation renvoie à une innocence perdue après le 11 septembre).
Mais formellement la lumière et le grain de la pellicule sont superbes. Marrant de voir comment ils survivent aujourd'hui dans le grain des derniers Kelly Reichardt, comment cette netteté esthétique et ce piqué sont passés du mainstream à l'indé - et est finalement un signe nostalgique qui concerne 'histoire du media plus qu'une capture du réel.
Un sous-texte social est aussi présent : Steve Martin est un publicitaire cynique, sec et desabusé, déjà fatigué de son milieu avant que le film le commence (et il fallait cela pour que le film bifurque un peu vers une remise en cause timide de son heterosexualité). Il croit s'humaniser et apprendre la compassion en s'identifiant sans le comprendre à ce qui chez John Candy est déjà mort depuis longtemps , l'illusion d'une vie à la.fois plus vulgaire et plus intègre sans solitude ni malveillance (et il faut aussi cela pour que Candy ne réponde pas a l'invitation érotique qui ne vient que de Martin et jamais de lui, qu'à la place survienne un enjeu social plus économique , qui n'apparait qu'à la toute fin du film, celui du déclassement social, qui est perçu par le.spectateur à la place de Steve Martin - se's du freeze final plus clair que dans le Breakfast Club). C'est finalement un peu plus intéressant que ses films de lycées, ce croisement, qui inscrit l'aliénation et la peur du déclassement non pas dans une institution fermée, mais de manière plus tragique, dans la vastitude du paysage americain lui-,même, qui ici est conjuré en même temps que la solitude, qui est en fait terrifiante (belle idée du film, le trajet facile et confortable en avion, lié a un style de vie, devient un cauchemar presqu'horrique lorsqu'il est refait au sol au sens inverse - en tout cas une épreuve initiatique - le film devient finalement mystérieux - Candy est un SDF qui n'est pas perçu comme tel uniquement parce qu'il se déplace en avion - d'où aussi l'idée que le style de vie du publicitaire ou du cadre est étonnamment proche de celui du SDF, la seule différence est l'argent, qui dans le film est toujours manquant, mais aussi toujours substituable par autre chose, tant que l'on se résigne à la solitude, à ne jamais revoir personne.
Marrant aussi de voir a quel point les mimiques de Steve Martin sont calquées sur celle de Judd Nelson dans The Breakfast Club, avec la même caracterisation morale (mâle alpha fatigué) et le même freeze final comme s'il y avait un parallélisme strict rntre typage moral et typage physique (voire érotique) chez Hughes, qui protège les personnages de la vieillesse. Ceux-ci souffrent alors non pas d'être impuissant, mais de ne pas jouir de leur force et de leur sécurité, figure de l'absurde existentiel et du manque, interne au capitalisme, aussi individuelle que la réussite, insoluble, czr on ne sait pas si elle appelle la compassion ou le désir.
Pas mal.
À noter sans doute un des premiers scores hip hop (d'ailleurs un peu jazzy, proche de ce que faisait Gangstarr) dans un film mainstream.
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