Le mec dont chaque film est meilleur que le précédent.
Sólo con tu pareja (1991) 2/6 - Cuaron cherche visiblement à signer une "sex comedy" dans l'air du temps (on est en 1991, Magic Johnson vient d'annoncer sa séropositivité) mais au-delà de deux ou trois scènes-clé, l'auteur ne savait visiblement pas quoi raconter. Ou plutôt comment le raconter. Formellement, il n'y a rien de très intéressant. Si l'ensemble est fort propre et propose quelques rares fois une composition de cadre ou de micro idées visuelles (mais toujours DANS le cadre et non DU cadre), c'est quand même très très sage.
A Little Princess (La Petite princesse, 1995) 3/6 - Le choix de Cuaron, par le même studio, pour succéder à Columbus sur les Harry Potter s'avère on ne peut plus cohérent quand on voit ce film qui, bien qu'il ne s'inscrive pas dans un registre fantastique, flirte tout de même avec le genre via des séquences illustrant les histoires imaginées par Sara, inspirées des mythes indiens, durant lesquelles Cuaron parvient à éviter le kitsch. Mais c'est davantage sur les scènes "dans le monde réel" que Cuaron embrasse le lyrisme du point de vue enfantin avec un Lubezki déjà bien plus dans la place. Ensemble, et aidé par la très bonne direction artistique, ils composent une approche visuelle classe et parfois iconique. La caméra de Cuaron reste ancrée mais la composition de ses cadres trouvent encore plus d'assurance cette fois-ci. Après, ces efforts ne suffisent pas vraiment à transcender l'écriture épisodique et dénuée d'enjeux.
Great Expectations (De grandes espérances, 1998) 3/6 - Il apparaît clair que les récits formatifs intéressent particulièrement l'auteur. Quel que soit l'âge des protagonistes (et ils sont souvent quelque part entre l'enfance et l'adolescence), il y a toujours un caractère "coming of age". Si le cinéaste semble trouver sa patte de plus en plus de film en film, il a toujours autant de mal à gérer un récit qui paraît une fois de plus un peu décousu. Reste donc la mise en scène de Cuarón donc, encore ancrée dans une certaine approche lyrique et lumineuse mais commençant à lorgner vers le naturalisme qui le caractérisera par la suite. Je pense notamment à ces deux plans-séquences qui préfigurent évidemment ceux à venir.
Y Tu Mamá También (Et ta mère aussi, 2001) 4/6 - Et boom. Cuaron s'éloigne des classiques maintes fois adaptés pour revenir à une histoire plus proche de son premier long, où une fois de plus le sexe a une place capitale, mais en gardant toujours l'angle "apprentissage" et dépouille alors son esthétique afin de, pour le dire vulgairement, mieux coller à la réalité et par là même reboote son style vers une approche plus naturaliste. Les plans-séquences se multiplient, le pied de caméra disparaît...la caméra ne cherche pas vraiment à "s'effacer" mais paraît symboliser plus que jamais un regard bel et bien (omni)présent qui est autant celui du réalisateur que celui du spectateur, invité à témoigner de cette histoire, voire à y prendre part. Bien qu'il adopte une démarche plus réaliste, Cuaron ne fait pas l'erreur de faire de son film une chronique et signe son récit le mieux structuré jusque là sans ne jamais donner l'impression de répondre à une construction imposée. La progression se fait naturelle, une fois de plus.
Harry Potter & the Prisoner of Azkaban (Harry Potter & le prisonnier d'Azkaban, 2004) 5/6 - Après cette deuxième naissance, Cuaron peut effectuer son deuxième passage de frontière, plus assuré, en retrouvant l'univers classique de La Petite princesse pour un dernier récit d'apprentissage, de passage à l'âge adulte, apportant une touche personnelle à la franchise, une touche intimiste à un blockbuster. Jamais Poudlard n'a été aussi vivant, jamais la camaraderie entre les protagonistes n'a été aussi crédible. Si l'esthétique est moins naturaliste que sur le précédent (moins de plans-séquences, photo plus léchée, Lubezki n'est pas là d'ailleurs), l'approche de Cuaron ne perd rien de sa véracité et gagne même en énergie, portée peut-être par cette première incursion dans le cinéma de genre.
Children of Men (Les Fils de l'Homme, 2006) 5/6 - La SF low-fi de ce film d'anticipation a tôt fait d'assoir l'univers dystopique du film dans une réalité bien trop palpable, entre terrorisme et anti-immigration, profondément désespérante et d'où Cuaron ne nous laisse pas fuir, avec ses plans-séquences qui ne laissent aucun répit au spectateur. Pas de coupes, pas d'échappatoires. Une immersion forcée dans une histoire dense de détails (l'Arche des Arts) qui évacue tout prosélytisme malgré les parallèles évidents. C'est aussi un nouveau début pour le cinéaste, qui abandonne les récits formateurs pour des récits de renaissance, de l'abandon vers l'espoir.
Gravity (2013) 6/6 - Pas de métaphysique mais beaucoup de métaphorique dans ce gigantesque film de peur sur la peur du vide, matériel ou sentimental, sur la gravité, terrestre ou des événements, et sur ce qui nous attache aux autres, câbles ou relations, donnant l'un de leurs multiples sens aux désormais inévitables plans-séquences de Cuaron, toujours plus impressionnants, transcendant leur fonction d'oppression pure pour symboliser le rapport à autrui. Nouvelle histoire de retour à la vie pour un protagoniste qui a lâché prise et doit lui aussi travers un voyage à la 2001, SF mais moins littéral, plus S que F.
Moyenne : 4/6
Pour le top, cf. la première phrase de ce message.
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