Ce qui fascine en premier lieu, dans ce film comme dans tous les autres films distribués de Tran Anh Hung (je n’ai pas vu le dernier, qui a apparemment été montré en avant-première à Cannes), c’est sa photographie sublime, très colorée. Mais ici, elle n’occupe qu’une moitié du film, celle qui ne concerne pas le cyclo. Le reste est représenté avec une fadeur jaunâtre qui illustre bien le caractère insalubre de sa vie. Tran arrive pourtant à magnifier des scènes fortes et sombres en passant hardiment de la justesse des représentations dramatiques et glauques à la splendeur d’une vie qui semble se dérouler de peu à côté, presque palpable.
La seule chose qui gêne dans ce film, c’est alors le rythme. On pense qu’on va avoir un film d’action, tout nous y amène, mais chaque moment de tension, ou même de progression des événements, est avorté. Une fois la frustration passée (si elle passe), on peut se laisser embarquer dans cette splendeur mêlée de noirceur, et prendre le film pour ce qu’il est : Un superbe drame social. Les rixes, la violence les clans mafieux et les morts sont plutôt que supports d’un film d’action, les pendants de ce drame social.
Le film se focalise principalement sur un frère et une sœur, vivant dans un quartier pauvre, en train de sombrer. Les premières scènes sont d’ailleurs assez intéressantes, et posent un regard juste et touchant sur toute cette économie futile du quartier qui se tourne sur elle-même. Et même les moments où l’on pense que le film va basculer vers film mafieux, ce n’est que pour rester dans le cadre de l’intime, et incarner le drame.
Si le film est si lent, si frustrant, et si beau à la fois, c’est donc parce que Tran arrive à pénétrer l’intimité de ce quartier, à illustrer une réalité sociale, avec ses rares moments de vie, et parfois de crise, voire de mort. En plusieurs occasions, il arrive à nous montrer tout un pan de la réalité sociale d’un petit quartier par un seul mouvement de caméra. Le dernier de ces plans, l’avant dernier du film, est de ce point de vue superbe. En élargissant ce mouvement récurrent dans le film, Tran nous montre ce qui se jouait jusque là, hors-champ, et pose un regard plus global sur les lieus, si proches mais sans liens où ne s’est pas passée cette histoire.
Il reste quelques petits reproches à faire dans l’histoire qui rendent le drame moins poignant
Tout cela fait de ce film singulier un drame poignant et sublime, au regard lucide et touchant. 5/6
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