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The Devil and Daniel Johnston (Jeff Feuerzeig - 2005)
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Auteur:  Zad [ 25 Avr 2007, 12:55 ]
Sujet du message:  The Devil and Daniel Johnston (Jeff Feuerzeig - 2005)

En fait, je devrais mettre ça en section TV... voilà, c'est un reportage, en fait, pas du tout un documentaire ciné -- du moins pas comme je l'entends. Ce n'est pas du cinéma.

D'office, déjà, donc, je ne suis pas dans le camp du film. C'est à deux mille kilomètres de mes attentes.

Car d'un doc consacré à Daniel Johnston, j'attendais... quelque chose d'au moins aussi singulier que le bonhomme. Perdu.

Donc, dans la forme, c'est un film qu'on a tous déjà vu: compilation d'archives et d'interviews récentes, témoignages des proches, reconstitutions luxueuses à base d'objets symboliques symboliquement disposés (genre : un tas de cassettes audio en forme de coeur : "Tout l'art et toute la folie de Daniel vient de cet amour d'adolescence impossible"... on fait difficilement plus plat) filmés comme dans un magasin de procelaine (avec les yeux, on touche pas, très légers travellings en suspension), et sonorisés jusqu'à la redite (par ex: on raconte qu'un jour Johnston, dans une crise de démence, est les pieds dans l'eau à gueuler comme un prédicateur pour chasser Satan hors du monde, et forcément, on te rajoute des bruits d'eau, splitch, splotch, des fois qu'on n'aurait pas comprit le concept de "les pieds dans l'eau"...).

Et puis, comme d'hab avec les protraits de Johnston, et ça c'est triste, on ne s'intéresse qu'à sa folie. Pas à ce qu'il créé. Le réal est content d'avoir trouvé un bouquin sur l'art et la folie et y'a la photo de Johnston après celle de Van Gogh. Bon. Bien. Et Van Gogh, il a fait quoi dans la vie? Il s'est coupé une oreille. Même chose pour Johnston : il a fait quoi pour mériter un doc? Il est devenu fou. Des chansons? Des dessins? Ouais, ouais, il est passé sur MTV et quand on organise une expo de ses oeuvres, bah elles se vendent toutes. Et quand il fait un concert, des gens applaudissent. Et Kurt Cobain a porté son t-shirt.

Mais chanter, dessiner, créer? Ce qu'il FAIT réellement, à part être fou? A part être un gros bébé devenu cinglé, très certainement puceau, habitant chez ses parents, et qui risque fort de ne pas survivre après leur mort?

L'art, cette chose qui fait que Daniel Johnston ne s'est finalement jamais suicidé, on ne le perçoit que par bribes dans le film. La seule chanson non tronquée est dans le générique final, le seul dessin exposé suffisamment longtemps pour qu'on puisse vraiment le regarder, le comprendre, l'observer, sera imprimé sur l'affiche. Les seuls extraits de films (qui ont l'air franchement réjouissants...) tournés par Johnston sont gâchés par des ajouts sonores, des commentaires off, tronçonnés au montage.

Quel gâchis, quelle bêtise... Comment peut-on rappeler à quel point Johnston créé un art sans pareille, presque dénué d'influences (il ne sait pas ce qu'est Nirvana quand Cobain porte son t-shirt, tout comme il n'a pas de repères musicaux autres que les Beatles, et quasi-aucun repère ciné, et pas d'autre repères en dessin que les cartoons et les comic-books... et pour cause: il passe la plupart de son temps en institut psy, toujours plongé dans son enfance, accroché à ce qu'il y avait de prometteur dans son adolescence, et qui ne s'est jamais concrétisé de manière pérenne, et après quoi il court sans fin), et, constatant ce génie quasi-sans influence, d'une sincérité totale, réaliser un reportage aussi formaté, et aussi cynique (il faut voir ce gros plan -- non, plus précisément, c'est un zoom que le montage camoufle, mais le dézoom qui s'ensuit le révèle -- sur les larmes du père, c'est tout tout petit)...

Il y avait pourtant beaucoup à faire, à partir de l'incroyable collection d'images d'archive. Rien que ça est surprenant: toute cette vie retraçable, figée sur divers supports. Chaque événement, chaque pas fait l'objet d'une photo, d'une vidéo, d'un enregistrement sur cassette. C'est un Truman Show où Truman serait lui-même producteur et réalisateur et scénariste de sa propre vie... C'est l'ancêtre de Jonathan Caouette...

Et la vraie révélation, c'est qu'il sommeille un cinéaste en Johnston. J'ai déjà parlé des quelques extraits de films muets qu'on peut voir rapidement entre deux effets de montage "enveloppants" (pas de temps mort, tout doit être signifiant et couler tout seul... résultat: les deux heures de métrage sont paradoxalement interminables, puisque d'une homogénéité ultra-rébarbative), et qui révèlent une sensibilité immédiate aux dispositifs de mise en scène (c'est rarissime des fictions adolescentes si inventives, si conscientes des moyens de la mise en scène, des possibilités offertes par le montage...). Il faut aussi citer cette séquence d'archive incroyable où Johnston, se découvrant filmé, décide, toujours dans ce constant premier degré qui est le sien, de diriger les opérations. Toi, le caméraman, tu te mets là, tu filmes cette chaise... Ce n'est absolument pas le tyrannie ou quoi que ce soit, d'ailleurs le caméraman se plie aux indications de Johnston, car on voit bien qu'il sent qu'il y a une vision derrière, qu'il y a une idée qui vient de fuser. Malheureusement, le montage du film nous empêche de comprendre quoi : tout ça est tronqué, on ne peut qu'imaginer, et on arrive à la fin de la bande sur un Daniel Johnston en larmes, chantant, habité comme jamais.

C'est complètement con, car ça revient à lobserver avec une distance suffisante, à le pointer du doigt comme un cas à part, un phénomène de foire. Alors qu'on sent que queque chose de très beau s'est sans doute joué dans cet intervalle de montage qu'on nous a dissimulé. Du coup, on cherche à nous faire ressentir de la gêne, de la pitié pour lui, voire du rire contre lui.

On n'est en fait jamais avec Johnston. C'est comme s'il s'agissait de filmer un fou pour se dire, oh le pauvre, il est fou, heureusement nous ne le sommes pas. Avec en plus cette autre ignominie : mais on peut profiter de sa folie, qui pour vendre ses disques, qui pour vendre ses dessins, qui pour faire un reportage sur lui...

La dernière séquence est en ce sens édifiante: Johnston, minable adolescent dans un corps d'homme mûr et obèse, portant un t-shirt taché, danse tout seul une danse démente et embarrassante dans son studio/chambre de teen. Et la caméra le regarde. Longtemps.

C'est un clown, on est au spectacle. On se moque du clown, on montre combien le clown est ridicule, tout en prétendant faire un film "pour" lui... Dégueulasse.

Auteur:  Zad [ 25 Avr 2007, 17:40 ]
Sujet du message: 

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Auteur:  jiko [ 25 Avr 2007, 17:53 ]
Sujet du message: 

Tiens ? Il est pas mal ce dessin...

Auteur:  Zad [ 27 Avr 2007, 09:12 ]
Sujet du message: 

Ah mais ils sont assez incroyables les dessins de Johnston...

tu en trouves pas mal ici: http://www.rejectedunknown.com/art/index.htm

quelque part entre un ado, Fred, le surréalisme et la BD underground...

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