Nani est follement amoureux de sa voisine Bindhu mais se fait tuer par Sudeep, un puissant homme d'affaires qui convoite la jeune femme. Réincarné en mouche, Nani décide de se venger.
La vie de ma reum, c'est un chef-d’œuvre.
J'étais déjà admiratif de la capacité du cinéma indien à traiter tout sujet avec un mélange impossible d'outrance assumée consciente de son too much et de premier degré émotionnel sincère mais alors là, on est à un niveau d'audace incroyable.
Si l'exposition est un peu longuette (34 minutes, on a l'habitude maintenant) mais sympathique, avec son amoureux à la limite du stalker et son méchant dont la caractérisation réutilise habilement les codes de la badasserie pour mieux le tourner en bourrique après, sans oublier un petit numéro musical qui témoigne déjà du talent de Rajamouli pour une scénographie dynamique (travelling circulaire en longue focale, décor en amorce, sol réfléchissant, contre-plongée et feux d'artifice!), ce n'est vraiment qu'à partir de l'élément déclencheur abusé que le film ne va cesser de surprendre.
À partir de la réincarnation, on bascule un moment dans un film d'animation photoréaliste mais avec le budget d'un film tollywoodien de 2012, autrement dit avec un rendu que l'on pourrait qualifier charitablement d'inachevé, et le film dans son ensemble est la preuve que même les effets spéciaux les plus éclatés importent peu si la mise en scène incarne l'histoire. Et je peux vous dire que j'étais à donf avec ma mouche.
Elle naît et c'est immédiatement la galère et tu vois une fois de plus l'influence du cinéma d'animation sur Rajamouli, des scènes rappelant Le Roi lion ou Fourmiz, avant de s'adonner à un trip cartoonesque à la fois relatable (qui n'a jamais été emmerdé par un putain de bourdonnement dans ses oreilles) et hilarant (Rajamouli ne s'arrête évidemment pas là et redouble d'inventivité) dès lors que la bestiole se met à harceler le méchant. Et quand le ressort menace de devenir répétitif, le film surenchérit avec un abattage de plus en plus YOLO.
Aucune liberté n'est prise avec le design de la mouche pour la rendre plus attachante, il n'y a même pas de monologue intérieur en voix off. Certes, il y a toujours les bonnes vieilles chansons narratrices extra-diégétiques, et ce moment où la mouche, posée sur le miroir devant lequel se prépare la jeune femme, tend une patte vers elle de façon dramatique tandis que les paroles sont "Bindhu, regarde-moi!", vaut son pesant d'or, mais l'anthropomorphisme qui permet de s'identifier avec l'insecte passe dans un premier temps exclusivement par le découpage, trouvant l'humanité dans ces gros yeux à facettes, avant que le film n'embrasse pleinement le délire dans la deuxième partie, où la mouche agit de plus en plus comme un humain.
Vraiment, j'étais subjugué par l'abattage d'idées constant poussant toujours plus loin ce postulat improbable, ne s'interdisant rien, et derrière le gag, c'est du cinéma total. À l'exception des VFX, rien n'est traité par dessus la jambe, il n'y a aucune paresse. C'est inévitablement un peu trop long (2h13) mais ça ne se fout pas de ta gueule. Shit, on pourrait même prêter une portée politique à ce récit d'un David contre un Goliath (de son vivant, le héros était pauvre mais essayait d'aider l'école de la meuf alors que le méchant, riche promoteur immobilier, étale son fric).
Ça part d'une blague mais Rajamouli justifie l'existence du film en se donnant à 100%, en y croyant dur comme fer.
Et par conséquent moi aussi.