Pour faire plaisir à Lohmann.
Premier film de Pierre Creton que je vois, je ne savais absolument pas à quoi m'attendre. Un collègue ayant vu le film me l'a présenté comme un film d'auteur hardcore qui l'a laissé totalement dubitatif. Pas compris tellement au contraire j'ai trouvé ce film d'une magnifique simplicité. Je m'attendais à un film très minimaliste mais j'ai été très surpris par son ampleur romanesque. Film à plusieurs voix racontant la vie interconnectée de plusieurs personnages dans le pays de Caux. Personnages liés par une passion commune pour l'horticulture mais également par des rapports sexuels décomplexés et naturels.
Le résultat est ce genre de films d'une absolue douceur poétique où il fait bon se lover et où l'observation d'une plante est source de même plaisir qu'un acte sexuel (scène géniale où le professeur anglais découvre des pousses qu'il ne soupçonnait pas). Et le film de traverser plusieurs décennies dans une narration elliptique très bien dosée (il y a d'ailleurs un plan d'ellipse "naturelle" très beau, le jeune homme se lève du lit et un homme plus âgé vient prendre sa place). J'ai aimé suivre la vie de tous ces personnages et de Joseph en particulier, homme simple proche de la nature qui tombe amoureux de tous ses mentors avec qui il couche joyeusement. Le film dérange un peu par cet aspect d'un post adolescent sans doute tout juste majeur couchant avec des soixantenaires (voire plus), il est évident que si le personnage était remplacée par une jeune femme cette image serait immédiatement répugnante. Mais dans le film ça n'a rien de malaisant ou de déplacée. On assiste simplement à des hommes consentants qui se donnent du plaisir sans d'ailleurs que la mise en scène de Creton ne se fasse particulièrement érotique, tout cela reste très majoritairement hors-champ et n'existe surtout que dans sa voix off. Le film se résume ainsi très bien dans les dessins de Joseph qui, sur des images pornographies, remplacent les pénis par des fleurs et des plantes.
Le dernier acte qui rattrape le début du film avec le récit sous-jacent d'un jeune homme d'origine indienne adoptée par l'un des personnages devenu adulte croise Joseph dans la force de l'âge propose une espèce de bifurcation fantastico-poétique curieuse.
Non vraiment j'ai beaucoup aimé, un film précieux et, encore une fois, d'une magnifique simplicité, à l'image de la cabane de Joseph construite au milieu des bois.
4.5/6