Un de mes plus anciens souvenirs de séance ciné, auquel mon frère m'avait emmené à sa sortie. J'en garde ce souvenir initial d'une séance longue et écrasante (3h10), mais aussi très impressionnante. J'ai découvert son film rival, Tombstone (que Costner a activement saboté, apparemment), plus tardivement et si j'en garde un bon souvenir (excellent casting et excellentes moustaches), et si c'est probablement un meilleur film aussi, par certains aspects, il m'a nettement moins marqué.
Wyatt Earp n'est pas tant trop long que mal fagoté, empreint de brusquerie dans ses transitions et ellipses et dénué de liant thématique, ne misant que sur son personnage principal à travers les différentes étapes de sa vie. La première heure le voit grandir et naviguer les eaux troubles de l'immaturité, puis d'un coup devenir une brute à l'efficacité redoutable, sans alchimie ni d'écriture, ni de mise en scène pour habiter même une menue transition. Les deux versions de Earp fonctionnent mais du coup s'entrechoquent, et les nouveaux enjeux et nouvelles dynamiques te tombent dessus comme un tas de briques. Et c'est comme ça tout du long : il n'y a que l'intrigue qui avance, tout le reste débarque et fout les pieds sur la table direct. Même la dernière partie, centrée sur les retombées de la fameuse fusillade, et bien que tous les éléments soient là, ne fait pas vivre la question de la vengeance et de l'obsession, pas comme Hour of the Gun de John Sturges en tout cas, qui optait pour flirter à la limite du thriller. On sent le poids du Costner mégalo, qui se disait que sa tronche suffirait comme parti pris, pas besoin d'avoir un angle, "ça coule tout seul".
Malgré ça c'est aussi de la pure fresque 90's, entre le thème principal de James Newton Howard (qui donne la gerbe au bout d'un moment, comme le thème du Rohan d'Howard Shore), les interactions hommes/femmes qui seraient sans doute taxées de misogynes aujourd'hui, le casting (Sizemore, Pullman, Madsen (à contre-emploi de ses tarantineries), Hackman, Linden Ashby (son meilleur rôle avec Mortal Kombat), Jeff Fahey, Rex Linn etc.), la brutalité soudaine, la cruauté et les détails rigolos (les fringues qui prennent feu autour de l'impact de balle, la plaie qui fume etc.). Le plus spectaculaire, ça reste Dennis Quaid, voix rauque et visage émacié, un Doc Holliday beaucoup plus saisissant et bien moins belle gueule que Kilmer. Il se téléporte un peu trop et n'a pas de proper send-off à la hauteur de son rôle, mais il a une scène de pure toxicité magnifique et troublante avec Isabella Rosselini.
Bref, c'est un peu le bordel mais ça ne mérite pas sa mauvaise réputation. Surtout, c'est du pur costnercore.
