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Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)
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Auteur:  Art Core [ 06 Oct 2023, 15:05 ]
Sujet du message:  Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)

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J'étais curieux de découvrir ce film à la réputation sulfureuse de Breillat, pressentant un peu l'exagération et le surestimation un peu propre à cette cinéaste dont je peine à aimer vraiment aucun film. Et bien c'est je pense mon film préféré parmi ce que j'ai vu d'elle. Basé sur un récit ultra classique de la jeune adolescente qui revient chez ses parents durant l'été, qui s'ennuie et qui découvre sa sexualité, le film travaille quelque chose qui à contrario est très loin d'être classique. Car en effet les fantasmes et les jeux sexuels du personnage sortent très rapidement d'un quelconque imaginaire romantico-sensoriel pour se situer dans une zone beaucoup plus grise flirtant avec une vraie perversion (encore qu'il faudrait en trouver une définition précise).

Dès son retour chez elle, la mère du personnage lui sert un thé et elle glisse subrepticement la cuillère dans sa culotte. Sa culotte d'ailleurs c'est presque le motif central du film. Elle en constitue l'enjeu principal, d'une effarante simplicité. Ou le personnage porte sa culotte, ou elle la quitte. Elle passe son film à jouer avec, à marcher avec en la laissant sur ses chevilles, à la poser n'importe où... Et surtout elle passe le film à l'enlever. Ce qui constitue peut-être le summum de sa liberté sexuelle qu'elle découvre c'est qu'elle peut découvrir son sexe. Comme l'image de l'affiche où elle s'amuse à jouer avec des cailloux dans son sexe sur des rails de chemin de fer. Tout tourne autour de ça, de se libérer symboliquement à travers le tissu, remonter sa jupe, quitter sa culotte et dévoiler son intimité.

En revanche en lisant ça on pourrait penser à un film quasiment pornographique propre à susciter le désir. Or, c'est absolument l'inverse qui se produit. Le film travaille le dégoût, fait tout pour être répugnant. Notamment dans son exploitation des différents fluides corporels qui s'y déploient. Du vomi, à l'urine, en passant par le sang, par même la cire d'oreilles et évidemment le sperme rien ne nous est épargné et surtout rien n'est glamourisé, bien au contraire. Tout est sale, glauque, laid d'une certaine manière. Rien n'est désirable, le sexe est triste, il n'y a pas de plaisir (elle ne se masturbe pas par exemple), dans ses fantasmes à la limite dont cette scène assez folle
où le personnage masculin tente de lui enfoncer un ver de terre dans le vagin.


Le rapport aux parents aussi est fascinant. Couple de petits bourgeois ruraux (le père est patron) qui vit pourtant dans une maison vétuste avec une mère obsédée par l'argent et un père en apparence doux et aimant mais dont on passe le film à craindre un geste déplacé, une pulsion d'inceste (ce qui finira par arriver de manière équivoque avec une vision du pénis du père). On est dans un univers décati, hanté par la mort et une certaine violence. On nous montrera de manière longue et appuyée l'égorgement d'un poulet. Plus loin le personnage jette nonchalamment sa culotte sur un cadavre de chien en décomposition. La film du film va aussi dans ce sens puisque ce qui constitue l'aboutissement de cette exploration sexuelle, le rapport intime, sera annihilé par une mort soudaine et inattendue (et le personnage restera de marbre).

Un film absolument passionnant, à la fois très physique avec ses fluides partout et ce sexe comme point de convergence de tout mais à la fois profondément psychanalytique en ce qu'il décrit un éveil adolescent à la sexualité complètement hors normes. L'actrice principale qui avait commencé chez Borowczyk est incroyable, elle donne vraiment de sa personne et il n'est pas étonnant de voir qu'elle n'ait quasiment plus rien fait après (il faudrait faire une liste d'actrices ayant commencé par des rôles sulfureux et qui n'ont jamais pu en sortir comme Jane March). On notera aussi l'excellente BO de Mort Shuman qui a composé des chansons yéyé délicieuses pour le film (il se passe en 1963). Excellente découverte. J'ai bien envie de poursuivre mon exploration de ses premiers films notamment 36 fillettes qui semble très proche de L'été dernier (avec un situation inversée).

5/6

Auteur:  Mr Degryse [ 06 Oct 2023, 15:12 ]
Sujet du message:  Re: Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)

J'avais trouvé cela glauquissime mais c'est le meilleur Breillat vu jusqu'ici aussi.

Auteur:  Abyssin [ 06 Oct 2023, 16:03 ]
Sujet du message:  Re: Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)

Art Core a écrit:
Excellente découverte. J'ai bien envie de poursuivre mon exploration de ses premiers films notamment 36 fillettes qui semble très proche de L'été dernier (avec un situation inversée).
Vu il y a 15 jours Sale comme un ange et je te le conseille si tu veux creuser. C'est un mélange assez étrange entre une certaine tradition du polar à la française, avec flics des stups, et étude du désir. Le film est moins réussi que 36 fillette mais il est intéressant et vaut le coup d'oeil rien que pour le duo opposé que constitue Claude Brasseur et Lio.

Auteur:  Art Core [ 06 Oct 2023, 16:04 ]
Sujet du message:  Re: Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)

Je le connais pas celui là. Vraiment l'impression que sa carrière pré A ma soeur/Romance est finalement très peu connue et vue.

Auteur:  Abyssin [ 06 Oct 2023, 16:57 ]
Sujet du message:  Re: Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)

Oui c'est étrange, sans être dans le top de Breillat, Sale comme un ange a une réputation plus que correcte, mais ses diffusions sont rares et il n'est même pas sorti en DVD. C'est peut-être son ambiance de vieux polar franchouillard, un peu anachronique, qui fait ça. Tu comprendras dès les premières scènes.
Tiens cadeau : https://www.tv5mondeplus.com/fr/cinema/drame/sale-comme-un-ange

Auteur:  Art Core [ 06 Oct 2023, 17:01 ]
Sujet du message:  Re: Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)

Pas visible en France malheureusement.

Auteur:  Abyssin [ 06 Oct 2023, 17:46 ]
Sujet du message:  Re: Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)

Ca je pouvais pas vérifier. Va voir sur le site en D.

Auteur:  Cosmo [ 06 Oct 2023, 18:23 ]
Sujet du message:  Re: Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)

Art Core a écrit:
Je le connais pas celui là. Vraiment l'impression que sa carrière pré A ma soeur/Romance est finalement très peu connue et vue.


Très oubliée surtout. J’aime beaucoup 36 fillettes et Une vraie jeune fille (sont la chanson est dispo sur YT). Sale comme un ange est bien, son scénario de Police aussi (je viens d’acheter le roman d’ailleurs). Tapage nocturne est insupportable par contre, je n’ai pas réussi à aller au bout malgré deux essais.

Auteur:  Film Freak [ 06 Oct 2023, 19:13 ]
Sujet du message:  Re: Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)

C'est 36 fillette, sans s.

Auteur:  Vieux-Gontrand [ 06 Oct 2023, 22:45 ]
Sujet du message:  Re: Une vraie jeune fille (Catherine Breillat, 1976)

À noter que le livre que Breillat avait écrit (Le Soupirail) et dont le film est une forme d'adaptation vaut le détour, très belle plume, a la fois erotique et becketienne, minutieuse et lyrique

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