La Main en VF.
Souvenir d’une B.A. matée au hasard il y a quelques temps. Brute, in your face, sans trop d’éléments d’intrigue, elle m’avait donné l’impression de vendre un truc peut-être trop hystérique, un peu comme le dernier Evil Dead.
C’est pas le cas.
SPOILERS
On reste en terrain connu tout du long, notamment sur celui de l’adolescence de films d’horreur. Cette fois-ci, je me suis surpris à apprécier la justesse de l’écriture à ce sujet, qui fait la part belle à ce mélange de narcissisme à la fois défaillant et flamboyant dans son côté « pas fini » qui flirte régulièrement, et à des moments opportuns de l’intrigue, avec la sociopathie (les rires inadaptés face à l’horreur des séances de possession, Mia qui s’éclipse aussitôt dans son solipsisme complètement inapproprié suite à l’incident avec Riley plutôt que de se rendre à son chevet en attendant les secours etc).
Il y a de plus une métaphore évidente, et qui n’essaye pas de ne pas l’être (bon point), sur les conduites à risques addictives, d’abord en groupe par mimétisme et peer pressure, puis seul avec tout ce que ça implique niveau déraillement. Cette métaphore se fond naturellement dans la base évoquée au paragraphe précédent, et permet un glissement naturel vers l’évocation de la maladie mentale, qui apparaît souvent à l’adolescence et dont le déclenchement peut être favorisé par la consommation de stupéfiants. Tout ça participe donc à créer une toile de fond thématique solide et cohérente, qui plus est bien incarnée par l’écriture des personnages et le travail de leurs interprètes.
Les éléments horrifiques, plutôt classiques (séance qui tourne mal, possession malveillante qui joue sur les traumas (encore eux), apparitions inquiétantes et manipulatrices, recherche de solution en groupe etc.), sont bien intégrés à l’ensemble, sans forçage, sans jumpscares bidons, sans opportunisme. Ils ne laissent pas de vide dans leur sillage, puisque la solidité thématique décrite ci-dessus prend aussitôt le relai et contribue à faire progresser l'intrigue habilement jusqu’au bout. La fin est vraiment bien, s’inscrit dans une tradition qui m’a aussitôt évoqué la littérature gothique dans ce qu’elle peut avoir de mieux huilé.
Mais...
... Petite aparté toute personnelle au sujet de la menace surnaturelle. C’est sans doute involontaire de la part de l’équipe à l’origine du projet, mais je n’ai pas pu m’empêcher de penser à L’erreur spirite de René Guénon, sans doute son ouvrage le plus accessible, et le plus intéressant. Guénon y démonte méthodiquement le milieu spirite de son époque (début du 20ème siècle) non pas du point de vue d’un sceptique ou d’un scientifique, mais du point de vue d’un « initié » auto-proclamé, qui prend très au sérieux ces phénomènes. S’il rejoint le camp scientifique sur le fait que les phénomènes qui se manifestent lors des séances sont entièrement bidonnés, pour la simple et bonne raison qu’on ne peut pas entrer en contact avec les « esprits » de personnes décédées, parce que ces esprits n’existent pas, il se permet néanmoins d’évoquer en fin d’ouvrage des phénomènes selon lui bien réels, et particulièrement inquiétants, concernant ce qu’il appelle des « influences errantes », dont il considère la manifestation possible, mais extrêmement dangereuse. Ces « influences », qu’il ne définit pas plus que ça, pourraient selon lui revêtir volontairement l’apparence d’esprits de personnes défuntes pour induire des personnes, notamment celles qui prétendent détenir des talents médiumniques, en erreur, voire pire.
Je vous rassure, je n’accorde pas plus que crédit que ça à ces histoires. Mais c’est un livre que j’ai lu il y a longtemps, et que je relis de temps en temps, qui nourrit mon imagination et qui a beaucoup influencé mon appréciation de la fiction d’horreur portant sur les séances de spiritisme. Ca fait des années que je me dis « putain, si seulement un film d’horreur allait dans ce sens » tant cet éssai poussiéreux m'a plus fait flipper sur le sujet que bien des fictions horrifiques. Et c’est précisément, il me semble, ce qui se passe ici : il ne s’agit pas d’esprits du tout mais d'entités prédatrices, qui rappellent ces "influences errantes", tous les mensonges du « spectre » de la mère en attestent… Du moins jusqu’à cette fin, au demeurant chouette du point de vue de l’arc de Mia, qui est venue contredire mon impression initiale, puisqu'elle meurt et rejoint l'autre côté de la main. Seulement du coup on ne comprend pas pourquoi ces esprits deviennent aussi maléfiques... Mais bon, c'est un petit délire perso et ça m'apprendra à en attendre un peu trop (et à m'emballer trop vite).
/SPOILERS
Pas mal du tout. Pas du niveau d’It Follows, mais ça fait un bon double feature quand même.