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Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud
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Auteur:  Baron [ 31 Oct 2022, 22:06 ]
Sujet du message:  Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud

Le RIRE : Pourquoi le rire inspire-t-il autant la peur ?



La crainte imposée par la censure du rire, ne serait-elle pas la base du pouvoir dans la quête du contrôle totalitaire ?



Dans le roman de Umberto ECO Le nom de la rose, adapté en film en 1986 par Jean-Jacques Annaud, le rire inspire la crainte dans toute l’abbaye…

Au moyen Âge, dans une époque obscurantiste où le rire tue, l’église a le pouvoir total, l’exclusivité du savoir et à la bibliothèque. Ce qui permet de faire régner la peur sur le peuple et les moines n’ayant pas accès aux savoir, mais seulement à la Bible. Le livre sacré qui permet de garder l’emprise sur le peuple qui ne sait pas lire et qui est limité à une survie quotidienne primaire. Il est donc facile de manipuler et d'inventer des récit et lois pour servir les intérêts de l’église, contre celle du peuple.

Mais pourquoi le rire est-il autant censuré ? intemporellement, le rire est censuré pour garder le contrôle et les profits du pouvoir.

Dans le cas de ce roman le rire est craint mais seulement par des personnes ayant une place très important et influente dans l’abbaye. Possédant l’accès aux livres philosophique comme ceux du philosophe Aristote qui soulève la question de la comédie et du rôle satirique des livres.





Jorge : Un moine ne doit pas rire car seul rit le crétin (…)

Jorge : J’ai entendu rire, et j’aimerais rappeler quelques principes, certes chez vous Franciscains, la gaieté… est regardée avec indulgence.

Guillaume : Saint François était souvent disposé à rire.

Jorge : le rire est un souffle diabolique qui déforme les lignes avant du visage et fait ressembler l’homme au singe.

Guillaume : Mais le singe ne rit pas, le rire est le propre de l’homme.

Jorge : Comme le péché, le Christ n’a jamais ri.

Guillaume : En sommes-nous si sûrs ?

Jorge : Rien dans les Écritures n’établit que notre seigneur ait ri.

Guillaume : Rien dans les Écritures n’établit que notre seigneur n’ait pas ri, les Saints eux même usaient de la comédie pour ridiculiser les ennemis de la foi : par exemple, quand les païens plongèrent Saint Maur dans l’eau bouillante, celui-ci se plaignit que le bain était trop froid, le sultan y plongea les doigts et s’ébouillanta la main.

Jorge : Un Saint immergé dans un bain bouillant ? il n’a pas de cette puérilité ridicule ! Il retient ses cris ! Il souffre pour la vérité !

Guillaume : Pourtant Aristote a consacré son second tome de La Poétique à la comédie et il en fait un instrument de vérité.

Jorge : Vous avez lu cette ouvrage ?

Guillaume : Non, bien sûr que non : ce manuscrit a été perdu il y a des siècles.

Jorge : Non c’est une erreur il n’a jamais était écrit ! Parce que la providence ne tolère pas que l’on glorifie des futilités !

Guillaume : Non, là, je ne suis pas d’accord.

Jorge : Assez ! Cette abbaye est brisée de souffrance ! Et vous voulez nous détourner de notre deuil par ce vin persiflage !

Guillaume : Pardonnez-moi, Vénérable Jorge, mes propos étaient en effet déplacés.



Ce dialogue montre les deux camps que sépare le rire :

Celui du Vénérable Jorge, qui cherche à préserver les principes et les valeurs présentes et ancrées dans l’église. En expliquant que le rire est le propre du “crétin”. Comme on peut le voir dans cette scène où le seul fait qu’une poule défèque sur une paysanne déclenche un rire moqueur et contagieux (comique de situation).
Jorge met aussi en avant que le Christ n’a jamais ri, et que c’est un “souffle diabolique”. Tout ça pour faire peur et perpétuer le sentiment de crainte de toute la salle qui écoute avec attention le dialogue de l'enquêteur et de l’obscur Jorge qui voit clair dans le jeu de Guillaume.

Du côté de Guillaume de Baskerville, le rire est perçu comme une arme de critique. En effet, dans la scène où Guillaume enquête sur le scriptorium et autour du pupitre du traducteur mort la veille. Il découvre des personnages caricaturant les évêques, le pape et l’abbé, en animaux peu flatteurs.
Il se fait alors la réflexion que la comédie et la caricature étaient son domaine. Ainsi, c’est une référence à Jean De La Fontaine qui se sert des animaux pour faire passer des messages sarcastiques aux Hommes de façon philosophique. Je pense aussi à la ferme des animaux de George Orwell qui raconte les rouages de la société de son temps en utilisant les animaux, pour illustrer l’Homme.























Les rares scènes où Guillaume rit sont symboliques :

En entrant dans la bibliothèque secrète si durement acquise, il exulte. L'enquêteur jubile, mettant la main sur ce véritable trésor. Les livres sur lesquels Guillaume met la main son de vrai œuvre d'art, qui auparavant n’était qu’un fantasme pour lui.
La deuxième fois que Guillaume rit, c’est quand il enlace son apprentie Adso de Melk. Il le retrouve sain(t) et sauf après l’incendie ravageur. Guillaume rit alors de manière soulagée et humaine. Ce que Adso lui reproché au paravent. Le feu, a été déclenché par Jorge qui préfère être jugé par dieu et le rejoindre, plutôt que la vérité ne soit mise en lumière, tombant entre les mains de personnes aux pensées éclairées.

Guillaume fait des blagues ironiques à Adso durant l’enquête :

Dès le début du film, Adso fait part de son malaise à Guillaume à propos de l’abbaye qui ne lui plait pas. Son maître d’un air sérieux lui répond que c’est au contraire un endroit très stimulant. Ce qu’il faut retenir de cet échange est le : “A bon ?” de Guillaume, qui est au second degré. Un second degré à caractère humoristique et ironique démontrant la philosophie de Guillaume vis à vis du rire et de ses interdictions.
La deuxième fois, Guillaume surprend Adso. Sortant de la cuisine tout essoufflé, inquiet de la découverte qu’il vient de faire. L’enquêteur lui dit alors qu’il vient de voir la paysanne partir en courant. L’apprenti montre le cœur qu’il vient de trouver. Le maître lui dit alors que ce n’est qu’un cœur de bœuf offert en échange de faveurs de cette fille. Mais là où se trouve toute la subtilité est à suivre. Guillaume poursuit en lui disant : “[...] Ça devait être un moine très laid”. Ados, comme touché dans sa fierté lui répond alors : “Pourquoi laid ?”. Guillaume réplique alors que “pour un jeune et beau novice il a fort à parié que la belle aurait accordé ses faveurs pour rien”. Une phrase ironique visant à faire réfléchir Adso de manière humoristique et subtile.

Troisièmement, Adso se confesse à son maître. Au début du dialogue entrepris, Guillaume dit à Adso qu'avant toute chose, "j’aimerais que tu me parle d’abord comme à un ami. » L’apprentie lui demande s'il a déjà été amoureux. Guillaume, sachant très bien de quel amour parle Adso,

Installe alors une ambiance ironique, lui disant : “Amoureux ! A mainte reprises [...] oui bien sûr ! Aristote Ovide Virgile...”. S’en suit alors l’explication de Guillaume sur son avis par rapport à la femme. Guillaume : j’ai beaucoup de mal à me convaincre que Dieu est mis une créature aussi abjecte dans sa création, sans la doter peu ou prou de quelques vertus. Que la vie serait paisible sans l’amour Adso, tellement rassurante, tellement tranquille, et tellement triste.

Pour conclure, censurer le rire est un puissant moyen contrôle :

Dans le cas du Nom de la rose, le rire est considéré comme le diable et le crétinisme. Ce qui permet de faire régner la peur. Les livres de philosophes sont interdit car ce sont la preuve écrite que la comédie et la caricature à bien exister. Contrairement au dire de haut placé de l’église qui interdise le rire et l'accès aux livres qui, une fois lu pourrait générer une révolte et risquer un renversement du pouvoir. Le rire est une arme qui tue la peur, et sans la peur, il n’y a pas de diable, et sans le diable il n’y a pas besoin de Dieu.
D’un point de vue philosophique le rire est humain et naturel. La comédie et les caricatures font partie entière de l’humour et de l’Homme.



La caricature est l'illustration d’une vérité déguisée.





“Stat Rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus”























L.B.

Auteur:  Müller [ 31 Oct 2022, 22:17 ]
Sujet du message:  Re: Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud

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Auteur:  Manina [ 09 Nov 2022, 16:14 ]
Sujet du message:  Re: Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud

我在很久以前看过这部电影,让人印象深刻....

Auteur:  FingersCrossed [ 08 Mar 2024, 11:46 ]
Sujet du message:  Re: Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud

voilà un très beau topic à la hauteur de ce grand film culte d'une génération de darons.

5 millions d'entrées tout de même, pour ce polar au moyen âge. le césar du meilleur film étranger, pour ce film sans nationalité claire avec de l'argent d'un peu partout, une équipe d'un peu partout, un style d'un peu partout. et même la ressortie 4k cartonne et va finir autour de 50k, c'était hier en ugc culte et la salle était remplie aux 2/3.

c'est donc un film de jean-jacques annaud, réalisateur important, ambitieux, aux succès monstrueux mais auquel il est assez dur de s'attacher tant il semble sans vrai style ni personnalité. c'était de grands projets ultra risqués sur le papier mais sans risques artistiques. une folie de monter ces films-là, mais aucune folie dans l'approche. c'est un entrepreneur très fort qui imagine ça et a la force d'aller jusqu'au bout, mais c'est un artiste sans personnalité qui les réalise, qui n'a rien de particulier à dire à travers tout ça.

il est donc facile à admirer mais impossible à aimer.
comme l'a été le film, pour moi.

les qualités sont là, majestueuses, indiscutables. déjà, le moyen-âge est tellement sous représenté au cinéma, alors que l'histoire lointaine est fascinante. et la reconstitution est splendide, riche, évoque quelque chose de soigneusement renseigné - il y a plein de petits détails partout, autant que les grands décors, c'est splendide. la musique, la photo, les costumes, les décors et accessoires... splendide. c'est intellectuellement extrêmement riche, on sent le travail de recherche, l'intrigue est parfaitement imbriquée dans une reflexion plus large, les comportements humains individuels autant que collectifs sont brillamment analysés et représentés. les thèmes religieux sont d'une richesse infinie - on ne peut que reflechir aux parallèles avec l'époque actuelle, et c'est vertigineux. j'ai été particulièrement touché par la représentation à la fois de cet obscurantisme violent et cruel de l'époque, mais aussi de cette communauté qui travaille, reflechit, débat. on voit les manières négatives *et* positives dont la religion a façonné notre société et notre civilisation, j'ai trouvé ça percutant.

et pourtant, je suis resté totalement à l’extérieur de tout ça. peut-être parce que j'ai vu trop de films ces jours ci et j'en ai marre, peut-être à cause du style - ou absence de style - de jean-jacques qui ne créé aucun lien émotionnel ou humain avec le spectateur. peut-être parce que c'est vraiment trop un film de darons de 1988. peut-être que parce qu'on sent malgré tout l'adaptation, l'impression que l'oeuvre est fondamentalement un roman extrêmement riche et volumineux et que tout ça est condensé, rationnellement découpé et que la plus-value de la reconstitution et du star power de sean connery - totalement iconique - et d'un bébé christian slater ne compense pas la densité perdue.

ça n'en demeure pas moins un excellent film selon tous les critères humains en vigueur.

Auteur:  Bêtcépouhr Lahvi [ 08 Mar 2024, 12:41 ]
Sujet du message:  Re: Le nom de la rose de Jean-Jacques Annaud

La nationalité du film est européenne en fait.
Et j'ai l'impression que c'est une des rares fois où cela prend chair (le contexte aide: un monastère dans les Alpes italiennes, c'était le rdv de toute l'Europe), trop souvent les grosses co-pros européennes n'y arrivant justement pas, et grâce à Annaud qui a quand même sa personnalité de franc-tireur moqueur.
Je l'imagine assez proche du perso de Dewaere dans Coup de Tête, s'il avait vrillé mais est vite retourné dans son giron bourgeois. C'est la grosse dégringolade à partir de 7 ans au Tibet, L'Amant étant déjà un signe d'essoufflement. Alors qu'il donnait encore à fond dans la sensualité, Annaud étant quand même très sensoriel à la base.
On sent qu'il avait compris à l'époque de Sa Majesté Minor qu'il se fourvoyait à vouloir se la jouer David Lean et a décidé un retour à la satire (même si ya un peu de ça dans Deux Frères, c'était trop Disney dans le même temps) mais s'est complètement vautré.

Parce que de la satire, yen a dans Le Nom de la Rose avec cette collection de trognes et grossièretés en dehors de Connery/Slater, les seuls à ne pas sembler sortir d'un Brueghel. Même la paysanne est présentée grimaçante. Ça suinte, ça pue, c'est poisseux. Et pas du tout réaliste par ailleurs, les historiens Le Goff et Pastoureau ont travaillé sur le film et étaient déjà des tenants d'un Bas Moyen-Âge éclairé, ce que plus personne ne conteste (on était moins crade à cette époque qu'au cloaque de Versailles mais la France fait de cette période son symbole, parce que plus clinquant, ça en dit un peu sur la psyché de ce pays).
Donc de vrais choix tranchés, marquants et notamment pour les gamins. Je ne vois absolument pas le film de daron là-dedans mais au contraire un film familial. Juste un peu différent des autres... Perlman/Salvatore est absolument culte pour énormément de quadra et le duo Slater-Vargas absolument cul. Le casting est absolument royal en tout cas.
A en croire l'affiche,
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la distribution américaine y a un peu trop cru d'ailleurs. Ça a été un échec là-bas semble-t-il (en fait, ils ont jamais dû y croire).

Reste cette fin expédiée avec une espèce de justice beaucoup trop immanente, des producteurs certainement mais qui dans le contexte du film est déplacée parce qu'on peut l'imaginer divine
Fin différente du roman qui est énormément élagué mais n'a finalement pas grand chose à offrir d'autres qu'un plaisir d'exégète de la part d'Eco (qui se perdra dans le même style sur des sujets à chaque fois moins passionnants), mais qui a réussi ce tour de force de rendre ça ludique, tout ça dans son whodunit référencé.
Et puis voilà quoi, il a réussi à mettre le doigt sur une thématique terriblement vivace un demi-siècle encore après.
À la suite de La Victoire en Chantant, Coup de Tête et le vaudevillesque La Guerre du Feu, Le Nom de la Rose impose au contraire une réelle cohérence d'auteur chez Annaud qui théorise alors son penchant pour la satire de la nature humaine. Le problème, c'est qu'il se sera alors trop pris au sérieux par la suite.

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