Vitali Manski est né à Lviv sous l'URSS avant de rejoindre Moscou pour ses études. Alors que la guerre déchire l'Ukraine, il visite ses proches dans sa ville natale, à Donetsk, à Odessa, à Sébastopol.
Film beau, grave, désespéré et intéressant, Manski soigne toujours beaucoup la composition de ses plans dans le documentaire. Lviv, Sébastopol, Odessa sont croqués en quelques plans, végétal et arboré ou donnant sur la Mer Noire qui s'étend à perte de vue, avec quelque chose de poignant et de discret à la fois qui est tout à fait remarquable. Le film se conclut par la lamentation de Manski, pour qui la Russie faisait office de foyer, contraint à l'exil. Il conclut ainsi plus généralement la question qui court à travers le film : que signifie le foyer, la patrie. C'est ce que la guerre en Ukraine dramatise ou illustre de manière particulièrement absurde. Que signifie par exemple être ukrainien, y-a-t-il un sens à se battre pour cette identité somme toute assez fictive, et qui menace, dans ce conflit, de se définir uniquement que comme antirusse ? (et par extension, anti tout ce qui pourrait troubler l'ordre de la nation).* Ces questions, Manski ne les aborde pas de front, car s'il montre des familles déchirées par le conflit, ce qui frappe, c'est la façon dont insultes et (rares) éloges sont concentrés en un personnage, Poutine. La personnalisation du pouvoir ou de la politique prend ainsi prend une valeur particulièrement inquiétante, que ce soit dans les références à Poutine mais aussi dans celles à Bandera qui parcourent le film (qui a vécu à Lviv aussi et quantité négligeable par rapport à ce que le Kremlin voudrait faire croire de l'avis des protagonistes du documentaire). L'ombre de Staline enveloppe tout ça avec une espèce d'absurdité stupéfiante.
Le film se finit également par la conscription d'un des derniers rejetons de la famille, un jeune homme de vingt ans mutique, probablement pas encore sorti de la crise d'adolescence, et rappelle que le conflit duré depuis bien plus longtemps qu'il y a une semaine - avec cette conscription obligatoire qui n'est pas juste une formalité.
vu le film avec des sous-titres visiblement traduits automatiquement des sous-titres ukrainiens, ce qui ne rend pas la chose plus compréhensible.
*Il paraît que Poutine a fait la même chose au Donbass que Orban dans les environs de la Hongrie, notamment en Roumanie, en fournissant des passeports russes à tous les pro-russes sur place. Différence, le nationalisme d'Orban, qui joue de toute façon un double jeu où il prend à la fois ce que lui donne l'UE et la critique chez lui, le sert dans son pays tandis que chez Poutine, c'est la suite d'une manoeuvre colonisatrice en fait, avec une logique particulièrement perverse.