Premier des deux seuls films de Michael Schorr, Schultze Gets the Blues suit le personnage titre, interprété par le ventripotent Horst Krause, ouvrier minier fraîchement retraité en ex-Allemagne de l'Est. Célibataire endurci, mutique à l'extrême, limite idiot du village, Schultze découvre un soir, totalement par hasard en bidouillant sa radio, une chanson de Zydeco dont il s'amuse à reproduire la mélodie sur son accordéon. L'amusement vire à l'obsession, puis à un éveil esthétique et humain, et il va soulever sa considérable carrure pour un voyage totalement improvisé et sans filet dans le bayou et sa culture.
Bon, c'est très Allemand. Tout en pudeur d'apparence aride. Michael Schorr privilégie les plans fixes sur des situations du quotidien, dialoguées ou non, en mettant en valeur la gêne autour des "passages obligés" de la vie de tous les jours, où bien souvent on n'a rien à se dire : dès les premières minutes, on assiste au pot de départ de Schultze, au silence entre les banalités des collègues qui s'installe et se dilate et qui dit tout d'une fin de carrière dans un milieu ingrat. Le sourire timide dont Schultze ne se départit jamais dans ces scènes, malgré le malaise, a quelque chose de bouleversant. On sent dans le regard porté sur cet homme simple et ordinaire une réelle bienveillance, un respect, quitte à paraître dur dans l'absence d'idéalisation. Ce qui permet du coup de laisser la place au tragique sans pesanteur ni pathos, à une exploration délicate de la solitude, choisie ou subie, et surtout de la libération parfois amère du travail, qui avait ou non un sens. La manière dont Schultze se trouve et trouve le monde est un des plus beaux hommages qu'on puisse rendre à ce genre de bonhommes.
Très beau petit film.
J'avais vu son second au festival Mannheim-Heidelberg en 2006, comédie plus légère avec Jürgen Prochnow en rôle secondaire, et c'est à peu près tout ce dont je m'en rappelle.