Ce n'est pas sans réticence que je revisionnais ce film vu pour la première fois il y a sept ans, compte tenu de tous les autres films que j'aimerais voir, mais finalement je ne le regrette pas. Quelques doutes subsistent au moment du générique, ultra-nineties, mais sympathique, qui commence par des images bleutées de soldats serbes au ralenti pleines de gravitas sur une musique d'inspiration slave religieuse, avant d'enchaîner sans prévenir sur le porte-avion américain et un assortiment d'images et de techniques variées pour le présenter, travellings circulaires, ralentis, accélérés, dans un montage qu'on a l'habitude de qualifier d'épileptique, le tout sur un morceau de techno ringarde d'un groupe inconnu du début des années 90.
Ce qui est déjà intéressant, c'est la variété des échelles de plan ou des régimes d'image qui s'y trouve être déjà : quoi qu'on en dise il y a une vraie ambition formaliste qui se marque d'emblée et qui, mine de rien, pose en quelques secondes le.cadre du film, notamment les trois points de vue autour desquels il gravite, celui du héros, des méchants et du commandement dans la salle d'opération du porte-avion.
Le prologue du film en un quart d'heure montre en main réussit d'une manière tout à fait remarquable à présenter la camaraderie militaire en quelques répliques, les relations entre gradés, le contexte géopolitique - flou - agrémenté d'un commentaire basique mais nécessaire sur les états d'âme du militaire qui se pose des questions sur sa propre utilité. Cette partie est essentielle puisqu'elle représente l'assise émotionnelle du film et la suite démontrera son efficacité. On y retrouve quelques gourmandises formalistes, par exemple la scène de football américain, qui décuplent l'intérêt.
L'action commence quand l'avion se trouve pris en chasse par deux missiles surface-air. Bon là même sans rien y connaître aux modalités de combat aérien, on sait que c'est n'importe quoi et qu'un avion (le modèle utilisé, trop récent n'a jamais été utilisé en Bosnie par ailleurs paraît-il) ne fait pas un numéro de voltige pendant quelques minutes pour y échapper mais la scène est absolument brillante d'un point de vue cinématographique. En dépit des invraisemblances d'ailleurs, qui sont secondaires, le film touche juste sur des points cruciaux qui se trouvent être dans l'histoire vraie dont il est lointainement inspiré - c'est fascinant, pour ne citer qu'un détail, de voir les types dans l'avion se rendre compte qu'un missile est à leurs trousses grâce à leur système de détection, qui aurait dû les avertir de leur présence au sol mais qui n'est pas parfait. Quand le deuxième missile est tiré, on a juste ce plan sans qu'on le voie être actionné (le méchant en survet qui est une sorte de mercenaire russe est génial) :
Moore lors de la scène joue à fond avec une variété d'échelle avec brio et déjà les plans iconiques et marquants se multiplient, entre éjection in extremis et parachutes parmi des paysages d'inspiration balkanique - le tournage a eu lieu en Slovaquie - hivernaux, austères mais sublimes.
En fait la mise en scène de John Moore fait preuve d'une fluidité toute classique, avec quelques embardées un peu m'as-tu-vu ou spectaculaire, à la Peckinpah quoi. L'une d'elles, par exemple, se produit quand le personnage d'Owen Wilson apprend qu'une équipe ne pourra pas être envoyée pour venir le chercher et qu'il lui faut se rendre à un prochain point de rendez-vous. S'ensuit une espèce de plan en accéléré par dessus les montagnes, en épousant le relief, qui représente toute la distance à parcourir et qui contribue à donner un sens du lieu et du parcours - ce que le film ne réalisera pas véritablement surtout qu'à la fin, on verra qu'il n'a fait qu'une sorte de tour autour d'un point précis mais peu importe pour la vraisemblance.
Ce que j'aime c'est sa façon d'utiliser ses extérieurs âpres, sublimes ou sinistres, c'est selon, dans un autre genre Rescue Dawn réussissait quelque chose de similaire.
Sinon dans le scénario j'aime qu'on soit dans un survival pur, un canevas réduit à l'essentiel de man on the run, et hormis dans un finale un peu too much, Owen Wilson passe le film à devoir semer ses poursuivants. Certains critiques, comme Roger Erbert, avaient raillé le film à sa sortie pour la capacité quasi miraculeuse du soldat américain à échapper aux balles, mais bon, tout dépend de la distance qu'on met - nous spectateurs - entre le personnage et ses poursuivants par exemple. Le saut de foi n'est pas si difficile à faire.
Sinon dès les premières secondes de la fuite, l'on peut se rendre compte dont le prologue a été efficace, notamment dans la description de l'amitié entre le pilote et son navigateur, qu'on a senti réelle et profonde, avec une note de douceur d'ailleurs. Et puis il y a des plans comme ça pour créer une impression de menace : tu vois l'armée de méchants poindre à l'horizon et s'approcher, puis ellipse ça coupe, et le plan suivant le pilote se fait marcher sur son genou blessé, c'est génial. Sa mise à mort est choquante mais j'imagine que les détracteurs diront que ce n'est pas une raison pour le personnage de Wilson s'exclame et se signale de la sorte à ses poursuivants. Tsss, quels mauvais coucheurs.
Sinon le rythme du film ne faiblit jamais. La scène du charnier joue à merveille de la démultiplication des points de vue :
Quelques uns des beaux plans du film ou des plans "iconiques" (je fais la distinction entre les deux) :
