Gerard Reve, un écrivain bisexuel obsédé par la mort rencontre lors d'une conférence Christine Halsslag, une femme riche et séduisante qui l'invite à passer la nuit chez elle. Et là il commence à voir des trucs chelou...
L'affiche (mal faite, c'est quoi cette tête énorme et trop basse du mec?) me fait penser à celle de Videodrome, sorti la même année :
Et j'y ai pensé pendant le film à un moment, lorsqu'un judas se transforme en œil dégueulasse.
Je me suis dit qu'au-delà de l'amusante coïncidence, ce n'était sans doute pas un hasard si Verhoeven avait succédé à Cronenberg sur Total Recall.
D'ailleurs, Le Quatrième homme, première incursion du cinéaste dans le genre, sorte de film noir horrifique mais surtout onirique, préfigure à la fois Total Recall mais également Basic Instinct, avec son personnage féminin ouvertement comparée à une veuve noire et son personnage masculin craignant littéralement son émasculation. Renée Soutendijk est parfois même lookée presque exactement comme Sharon Stone lors de la fameuse scène de l'interrogatoire, avec un col montant et les cheveux en chignon.
Toutefois, c'est davantage l'aspect onirique qui m'a frappé. Verhoeven retrouve De Bont à la photo et les deux parviennent à instaurer une atmosphère presque lynchienne dans l'espèce de surréalisme de chaque instant où tout paraît sombre, un peu chelou, et dans l'écriture aussi, avec des détails absurdes comme ce cercueil et cette femme qui nous filme, la rapidité avec laquelle certaines relations se nouent, l'enchaînement des séquences qui peut paraître zarbi, comme dans un rêve où les "scènes" se succèdent parfois sans liant mais notre esprit l'accepte.
MEGA SPOILERS A PARTIR D'ICI - SI VOUS NE L'AVEZ PAS VU, NE LISEZ PAS CAR JE RECOMMANDE CHAUDEMENT CE FILM
Du coup, je me suis dit tout le long "ok c'est un rêve" et que j'avais grillé un twist de 1983.
Il y a tellement d'éléments qui portent à le croire. Outre l'ambiance générale, il y a ce meurtre du coloc au tout début qui ne s'avère être qu'un fantasme puis le rêve dans le train (avec cette transition excellente où les ombres du pont traversé par le train se projettent d'abord sur la photo affichée dans le compartiment puis sur le décor réel une fois qu'on a pénétré la photo) dont le héros se réveille, puis les visions prémonitoires du héros, son discours sur "je rends la réalité plus intéressante qu'elle ne l'est quand j'écris" et toutes ces coïncidences plus ou moins improbables (l'hôtel Bellevue, la passagère du train qui se retrouve partout mais surtout le jeune homme qui s'avère être l'amant de la meuf, son prénom qui est le même que le nom du défunt dans le cercueil à la gare, le gars de l'asso qui l'accueille qui se retrouve docteur à l'hôpital à la fin, etc.).
J'étais même persuadé que le nom du protagoniste, Gerard Reve, qui n'est autre que le nom de l'écrivain dont le livre est adapté par Soeteman et Verhoeven, était un "indice" que seuls les francophones pouvaient capter (et que c'était un pseudonyme pour l'écrivain mais, non, il s'appelle vraiment comme ça). Et puis Total Recall qui allait arriver...
Et en fait non. Enfin non, pas non. Mais le film ne se termine pas en mode "it was all a dream!" (Notorious BIG™). (d'ailleurs, le film se termine une fois de plus de façon abrupte, Verhoeven kiffe décidément ça et je m'étonne donc moins de la fin sans épilogue et avec générique de fin immédiat de Hollow Man qui choque tant Qui-Gon Jinn).
Heureusement d'ailleurs, car du coup l'ambigüité demeure, comme pour Total Recall. Mais à lire ce que Verhoeven dit du film, il était davantage question d'épouser la perception d'un protagoniste rendu paranoïaque par son catholicisme (ce qui explique l'ambigüité : la femme n'était peut-être pas une veuve noire et c'est juste que ce catho la voit comme une Lilith) plutôt que de sous-entendre que tout pouvait avoir été rêvé.
Disons que ma lecture sémiotique de cette imagerie et de ces détails m'a mené dans une autre direction mais ce sont les mêmes signes qu'emploient Verhoeven & Co et qui font le sel du film et l'intérêt de son propos, en plus d'une expérience assez déroutante.
C'est sans doute mon préféré de sa période hollandaise.
Et le dernier d'ailleurs, à partir d'ici, je les ai tous vus mais je vais redonner leur chance à certains.
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