Un peu déçu alors que j'avais adoré El Reino. Madre souffre du syndrome de "la meilleure scène est la première scène". Là en l’occurrence c'est quasiment un court-métrage à lui tout seul où l'on retrouve la mise en scène très nerveuse et stressante de Sorogoyen qui organise un plan-séquence simple mais qui fait doucement monter la sauce à travers une scénographie vraiment brillante.
La suite m'a moins intéressé. Le film se fait quand même ultra répétitif dans le développement de cette relation dont le mystère s'évapore vite et dont le cœur narratif (elle l'imagine son fils, il tombe amoureux d'elle) est à la fois trop en retrait, sans payoff et trop évident et programmatique (il va falloir aller "au bout" de cette relation pour faire son deuil). Du coup j'ai franchement trouvé le temps long avec même un décrochage total lors du passage qui m'a semblé très superflu avec le groupe de jeunes qui veut aller à Dax et la scène dans la voiture. Passage qui m'a un peu agacé parce que j'y ai senti une tentative de "coup de force" un peu foirée.
Après le personnage féminin est vraiment superbe, l'actrice est magnifique de tristesse larvée et elle tient le film sur ses épaules. Et j'aime bien la mise en scène ample de Soroyen avec cette espèce de grand angle sur les scènes de plage, ce décor qui l'oppresse, qui contient en lui la disparition de son enfant. J'aime bien aussi quelques idées (sa peur du téléphone, son refus initial de l'utiliser, vers la fin la scène en miroir avec la première scène). Plus marginalement le film souffre de l'effet "film étranger avec des passages en français qui sonnent faux", notamment lors de la scène avec les jeunes dans la voiture ou ce moment au restaurant où elle entend qu'on parle d'elle. Un peu dans le même genre d'idée, le choix de Saez lors de la scène clef du film dans la voiture gâche totalement le moment. Pas la faute à la chanson (c'est paradoxal parce que je suis ironiquement plutôt fan de Saez) mais juste une chanson bien trop bavarde, au volume trop fort, qui vient parasiter les dialogues des persos et ce moment d'émotion très fragile. Parce que en tant que français on comprend les paroles ça perturbe beaucoup trop.
Pas un mauvais film du tout, il a une ambiance bien à lui (son rythme indolent, ses décors de plage et de forêts) mais je le trouve pas totalement réussi, un peu trop retenu et en même temps presque trop "facile" manquant d'aspérités. Mais Sorogoyen est un réalisateur brillant et évidemment à suivre.
3-4/6