Dans cette rue de Recife, des grilles et des caméras ornent les immeubles blancs et froids que fait visiter João, jeune agent immobilier et petit-fils de Francisco, le patriarche du quartier. Ici, chacun s'isole dans sa bulle de confort et se protège. Une voiture rayée et des vols d'autoradios entretiennent une paranoïa sécuritaire qui encourage un certain Clodoaldo à établir ici sa société de sécurité privée.
Pas vu Aquarius, et c'est donc par son premier long-métrage très remarqué à sa sortie que je découvre Kleber Mendonça Filho. Pas vraiment d'intrigue à proprement parler, une multitude de destins qui se croisent au sein d'un quartier qui est authentique et loin des clichés favelas made in Brazil, le projet de Filho est plus de prendre le pouls d'une ville et d'en dresser un portrait sociétal complexe et subtil. Ce qui est troublant et très réussi, c'est ce style de conteur empreint de douceur qui ne va pas hésiter à convoquer le fantastique et le thriller. Mélange qui fonctionne à l'écran jusqu'à cette fin qui arrive de manière abrupte mais clôt parfaitement le film.
L'approche narrative classique est ainsi remplacée par l'immersion dans une atmosphère urbaine originale et envoûtante. Filho déploie avec rigueur un style onirique et on se laisse petit à petit envahir par sa petite musique. On a ici un portrait inventif et plein de charme, appuyé par un formalisme somptueux. Bref on s'attache à cet univers unique et l'angle qu'adopte Filho. Les bruits de Récife est vraiment un film d'ambiance et on mesure sa réussite quand au générique de fin on a encore envie d'en prendre pour deux heures.
Vu aussi sur le DVD deux de ses courts métrages qui sont magnifiques. Electrodomestica s'inscrit dans la lignée de son premier long, mêmes thématiques, mêmes styles et ambiances. Gros coup de coeur pour son sublime roman photo, Vinil Verde, qui dure 15 minutes. Joli conte fantastique ancré dans la ville de Récife qui vaut le coup d'oeil. Déjà tout le talent de Filho s'exprime.
En commençant le DVD, je n'attendais pas grand chose mais je comprends maintenant les louanges sur Filho qui est vu comme un des plus gros potentiels du cinéma brésilien. Sinon le plus grand. Vraiment une très jolie découverte et je vais me jeter illico presto sur Aquarius.
4,5/6