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Dillinger est mort (Marco Ferreri, 1969)
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Auteur:  Art Core [ 11 Mai 2020, 10:37 ]
Sujet du message:  Dillinger est mort (Marco Ferreri, 1969)

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Quel film bizarre, quelle proposition singulière et radicale. C'est un film extrêmement minimaliste, majoritairement muet (la soirée solitaire d'un industriel bourgeois) mais rempli de signes et d'à-côtés, il en devient presque une espèce d'épopée mythologique qui avance enserrée dans une maison étroite et labyrinthique avant d'exploser dans un improbable épilogue solaire, purement fantasmé, où la destinée de l'homme contemporain embrasse enfin tout le spectre du désir primal et enfantin.

C'est d'une modernité folle dans cette mise en scène du quotidien, des gestes simples où soudain un grain de sable vient faire dérailler la machine. Ca m'a rappelé dans une genre certes assez différent Jeanne Dielman. Ici ce qui est fascinant c'est l'objet même du désordre, ce pistolet mystérieusement découvert dans le recoin d'un placard. Pistolet que l'on comprend avoir servi à tuer Dilinger, célèbre gangster américain dans les années 30. A partir de là, on sait que cet objet va être l'objet du désordre et peu à peu lentement, ce morceau de métal que l'on démonte, que l'on remonte, que l'on peint d'une manière tellement 70s devient le coeur du film. Celui qui a détruit une espèce d'idéal romantique de contrepouvoir (Dillinger, le gangster robin des bois) et qui représente tout un autre univers, évidemment de l'ordre du fantasme, celui du grand banditisme américain durant la prohibition face au confort bourgeois d'un industriel (travaillant dans le commerce des masques à gaz :shock:).

Piccoli est vraiment génial dans ce quasi one-man movie où il est tantôt impassible, tantôt comme pris d'une expression soudaine et bizarre préfigurant la sortie de route. Alors certes il faut s'accrocher le film est aride, ne faciilite pas la tâche notamment, il y a une longue scène centrale où il regarde des vidéos amateurs qu'il a tourné et c'est un peu long même si là encore ce qu'on voit à l'image l'emporte loin de son quotidien (la tauromachie notamment). Mais le personnage se dévoile peu à peu, tout en restant grandement indiscernable dans sa frustration illisible (la très belle scène du miel avec Annie Girardot).

Et cette fin géniale dans un décalage extrême avec ce qui précède où tel un dieu égyptien avec son pagne et ses bijoux Piccoli entre dans une espèce de fantasme de voyage mythologique aux promesses infinies.

Vraiment une excellente découverte et confirmation que Ferreri c'est vraiment un réalisateur à redécouvrir tant quasiment chaque film est une proposition radicale, singulière et unique (même si tout n'est pas forcément toujours follement réussi). Il y a dans ce cinéma quelque chose de profondément morbide, comme un gouffre permanent vers la mort et la destruction, comme une détestation absolue de l'époque contemporaine (tout le début et le discours ultra bizarre de son collègue).

5/6

Auteur:  Qui-Gon Jinn [ 11 Mai 2020, 10:41 ]
Sujet du message:  Re: Dillinger est mort (Maco Ferreri, 1969)

Art Core a écrit:
comme un gouffre permanent vers la mort
N'en dis pas plus !

Auteur:  Vieux-Gontrand [ 11 Mai 2020, 10:44 ]
Sujet du message:  Re: Dillinger est mort (Maco Ferreri, 1969)

Il fait aussi une sorte de dyptique qui encadre les années 70 avec la Dernière Femme (Depardieu reprend plusieurs postures du personnage de Piccolo,un enfant en plus. Ils bossent tous les deux dans le gaz d'ailleurs). La Dernière Femme est moins violent mais plus nihiliste.

Auteur:  Art Core [ 11 Mai 2020, 11:14 ]
Sujet du message:  Re: Dillinger est mort (Maco Ferreri, 1969)

Vieux-Gontrand a écrit:
Il fait aussi une sorte de dyptique qui encadre les années 70 avec la Dernière Femme (Depardieu reprend plusieurs postures du personnage de Piccolo,un enfant en plus. Ils bossent tous les deux dans le gaz d'ailleurs). La Dernière Femme est moins violent mais plus nihiliste.


Oui d'ailleurs j'en parle pas mais le film commence à dessiner ce rapport homme/femme conflictuel avec la femme de Piccoli (Anita Pallenberg, la muse des Rolling Stones) et Anna Girardot, deux femmes dans leur lit, qui dorment. Piccoli inquiet ne peut se résoudre à aller se coucher, les deux femmes sont deux princesses endormies qui se refusent à lui.

Auteur:  bmntmp [ 11 Mai 2020, 12:33 ]
Sujet du message:  Re: Dillinger est mort (Marco Ferreri, 1969)

Pas vu celui-ci mais il y a une sorte de méfiance vis-à-vis du personnage féminin qui a l'air de traduire les bouleversements sociétaux de l'époque et qu'on retrouve dans une petite comédie oubliée (scénarisée par Manchette) comme L'Ordinateur des pompes funèbres de Gérard Pirès avec Trintignant qui joue un informaticien qui travaille dans les assurances et découvre qu'il peut programmer la mort des gens dont il souhaite se débarrasser.

Auteur:  Abyssin [ 15 Avr 2021, 20:16 ]
Sujet du message:  Re: Dillinger est mort (Marco Ferreri, 1969)

Art a tout dit. Je rajouterais la référence au mépris de Godard tant les films semblent communiquer ensemble. Prestation hallucinante de Piccoli et un film assez miraculeux qui tient du chef d’oeuvre.

5-6/6

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