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Eduart (Angeliki Antoniou, 2006)
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Auteur:  bmntmp [ 03 Mar 2020, 09:33 ]
Sujet du message:  Eduart (Angeliki Antoniou, 2006)

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He wanted to be rockstar, he hit rock bottom.

Film grec consacré à un immigré albanais en Grèce au milieu des années 90 juste avant que n'aient lieu les émeutes de 1997 en Albanie. Ça commence avec des images, qui font écho à l'actualité, de garde-frontières grecs qui tirent des coups de feu.
Le film décrit un itinéraire dostoïevskien, type Crime et Châtiment, ce qui pourrait donner l'impression qu'il n'y a quasiment plus rien à en dire (j'étais surpris de découvrir dans une librairie il y a quelques mois le nombre d'adaptations en bds/manga du roman de Dostoievski) mais la variation qu'il en offre est intéressante en vertu du contexte albanais. Le twist final est étonnant aussi.
Ça s'inscrit aussi dans le genre du film de prison, ce qui me fait penser à un truc. Dans le film carcéral américain ou les romans noirs, il y a une obsession qui domine, celle qu'en prison on se fait enculer. Le sujet de l'excellent Animal Factory de Steve Buscemi, c'est comment un angelot, incarné par Edward Furlong avant sa déchéance physique, va pouvoir échapper à la proverbiale sodomie. Bienvenue en prison est une comédie sur le viol en prison pour ne citer que deux exemples parmi les plus représentatifs. Sinon c'est toujours la menace brandie par les policiers lors des scènes d'interrogatoire quand ils veulent faire plier un suspect. Ici, le film est peu disert et quand une scène de viol assez graphique surgit de manière soudaine et inattendue (alors que pourtant on aurait dû s'y attendre), voilà qui choque.
Pas d'angélisme dans le portrait de son personnage principal aussi, qui distingue parfois le film dit "de migrants" mais une complexité psychologique que le film parvient à suggérer de manière remarquable juste par ses images.
Il n'est pas exempt d'amateurisme, plus lié au manque de budget qu'à autre chose mais ça ne le dessert pas, on n'est pas non plus dans un téléfilm : le style est âpre, austère, adapté au sujet.
Autres signes de cet amateurisme un peu naïf parfois, le "l'amandier ne fleurit plus depuis que tu es parti" dont le lecteur sait pertinemment qu'il fleurira à la fin (sans même l'avoir vu) ou un truc avec un loup chelou.
Cela me fait penser à une anecdote racontée dans Le Nouvel Hollywood de Peter Biskind au sujet de Raging Bull. Le scénario initial ne satisfaisait personne et Scorsese voulait que le film soit plein de ce genre de scènes (l'arbre planté par un personnage qui meurt en même temps que celui-ci si je me souviens bien).
Crime et châtiment, c'est quand même imparable comme canevas : j'ai l'impression qu'aujourd'hui on aurait aimé que Polanski suive une telle trajectoire expiatrice. L'ironie de la chose, c'est que ses défenseurs le disculpent d'une manière inversée : il a été dans le ghetto de Varsovie, sa mère tuée à Auschwitz donc on peut bien être un peu plus coulant qu'on ne le serait avec quelqu'un d'autre... C'est peut-être ce qui distingue la gauche de la droite sur le volet judiciaire façon politest en 2009, à droite, la faute (et le mal) est originelle et la rédemption vient après, à gauche, l'homme est naturellement bon mais la société se charge rapidement d'en faire une bête, ce qui le décharge de sa responsabilité. La distinction est sciemment caricaturale.
Raskolnikov, son sentiment d'impunité et d'hubris, c'est un peu tout le monde. Son incarnation en immigré albanais (c'est une histoire vraie), dégoûté par son pays d'origine et par le sort qui lui est réservé à Athènes, est ici assez touchante.
(La réalisatrice a l'air d'avoir une vraie prédilection pour des thèmes dostoievskien, puisque son film d'avant portait sur l'addiction au jeu).

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