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MessagePosté: 30 Sep 2019, 11:56 
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Dans un futur proche, le village de Bacurau dans le sertão brésilien fait le deuil de sa matriarche Carmelita qui s'est éteinte à 94 ans. Quelques jours plus tard, les habitants remarquent que Bacurau a disparu de la carte, mais ce n'est pas tout. Les habitant et objets se mettent, eux aussi, à se comporter étrangement, à commencer par les cercueils omniprésents.

Vraiment un étonnant film. Coincé entre un pitch de série B et la chronique d'un village oublié du fin fond du Brésil le résultat est plutôt inégal mais pas déplaisant pour autant. Toutefois ce qui surprend dans le film c'est peut-être le sentiment d'une certaine régression pour Mendonça Filho. Je me disais sans cesse que ça aurait dû être son premier film en fait tant il y a quelque chose d'un peu puéril et grossier qui s'y épanouit là où Recife et Aquarius me semblaient bien plus mâtures, denses, riches. En fait ça m'a rappelé d'une certaine manière le cinéma d'un autre lusophone, Gabriel Abrantes qui avait réalisé un moyen-métrage génial, Les humeurs artificielles, où il mélangeait la science-fiction et un certain cinéma ethnographique (l'histoire d'amour entre un robot qui fait du stand-up et une indienne autochtone de l'Amazonie) avec cette même imagerie kitch assumée (le drone en forme de soucoupe volante des années 50) et un ton étrange en permanence entre ironie et vraie sincérité. Mais sur 30 minutes c'était plus maîtrisé que sur 2h10.

A ma grande surprise, la partie qui m'a le moins plu c'est toute cette partie film de genre dans laquelle je n'ai jamais vraiment marché. D'une part, parce que scénaristiquement elle n'a aucun sens
des américains qui font disparaître de la carte un village pour pouvoir mieux s'amuser à en décimer les habitants en mode Chasses du comte Zaroff dans une espèce de compétition aux règles floues (une histoire de points, utilisation uniquement d'armes anciennes) mais qui au lieu de les attaquer d'un coup prennent le temps de les prévenir de leur arrivée pour qu'ils aient bien le temps de se préparer.
Vraiment je n'ai cru à rien de ce pitch pourtant pas plus mauvais qu'un autre mais juste très mal écrit. Il faut dire que ce n'est pas aidé par les scènes avec les américains qui sont catastrophiques. Les acteurs surjouent tous horriblement des caricatures de Marines affolés de la gâchette, c'est sans exagérer limite nanardesque, comme ce moment où l'un des américains se découvre une conscience parce qu'on a buté un enfant, le niveau des dialogues... Je comprends pas du tout ces séquences qui vulgarise horriblement le film et lui donne des airs de série Z sans charme (le moment où après avoir tué deux petits vieux dans une voiture les américains se mettent à baiser direct par terre...). Vraiment c'est embarrassant et c'est pas Udo Kier, tout aussi nul que les autres (malgré son regard assez magnétique) qui vient changer la donne.

C'est dommage parce que j'adore tout ce qui se passe au village, cette manière d'en saisir immédiatement une ambiance, un sentiment de communauté, de solidarité. En fait j'aurais aimé une chronique plus simple sur ce village perdu et oublié, coupé du monde. Les quelques scènes de vie quotidienne comme ce médecin qui offre un lit au soulard que la femme a mis dehors, ou ce DJ qui commente la vie du village. Il y a des détails géniaux comme le groupe Whatsapp où tout le monde reçoit les messages. Puis il y a ce truc typique du Brésil (et peut-être de la Colombie) où on trouve un mélange ethnique total entre descendants d'esclaves africains, descendants d'autochtones et descendants de colons blancs, avec évidemment un métissage complet entre les trois. Comme une vision sociétale idéalisée qui aurait dépassée le racisme (même si la réalité au Brésil et en Amérique du Sud est évidemment toute autre).

Après difficile de ne pas voir dans le film la métaphore presque trop évidente de l'impérialisme, du colonialisme. Ces américains qui font littéralement disparaître un village de la carte et qui s'amusent de leur pouvoir de vie ou de mort sur des populations considérées inférieures (avec les traitres locaux qui les aident en espérant leur clémence - les deux motards et l'homme politique [dont je n'ai rien compris au "plan", ils vient acheter des votes au village tout en organisant le massacre des villageois...]). Ce n'est pas innocent que le climax du film ait lieu dans le musée du village, dans ce lieu intemporel comme une capsule de l'histoire de ce territoire, soudain envahi par la violence. Pareil pour cette idée d'armes anciennes qui donnent à l'ensemble un parfum de western et de conquête de l'Ouest avec les indiens qui resistent à l'assaut des cow-boys.

J'ai pris du plaisir à voir le film, il y a plein de choses qui m'ont plu (j'aime beaucoup le début très intrigant avec ce camion qui écrase des cercueils), des scènes très fortes (le vieil herboriste à poil qui resiste à l'assaut), la fin très forte (les têtes coupées comme un rituel, l'enterrement vivant de Kier) mais c'est quand même un peu déséquilibré comme film. Je trouve que c'est une certaine régression par rapport à ses précédents à la densité dans l'écriture et la mise en scène qui était quand même toute autre. Là même la mise en scène m'a semblé un peu en retrait, je n'en garde pas grand chose. Bref dans mon cas une certaine déception, assez surpris d'ailleurs qu'il ait reçu le prix du jury à Cannes.

3,5/6

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MessagePosté: 01 Oct 2019, 14:09 
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Je te rejoins sur tes griefs concernant le scénario. Après je trouve la réalisation assez maitrisée même si on sent un peu trop l'héritage du cinéma de Carpenter. Cela donne l'impression d'un élève très appliquée mais qui n'invente rien de plus. Cela dit ça fait du bien de voir le cinémascope aussi bien utilisé au cinéma. Dommage que la mise en scène de l'action ne soit pas totalement à la hauteur.


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MessagePosté: 03 Oct 2019, 17:35 
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Les références à Carpenter, voire à Glauber Rocha, vendent un peu du rêve. Je vois d'ici l'arnaque.


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MessagePosté: 03 Oct 2019, 17:38 
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Glauber Rocha, on y pense un peu au début. On peut effectivement dire qu'il y a cette volonté de mélange des genres dans un univers "exotique". Par contre Mendonça Filho s'inspirait déjà de Carpenter dans les bruits de Récife


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MessagePosté: 05 Oct 2019, 13:16 
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Art Core a écrit:
l'homme politique [dont je n'ai rien compris au "plan", ils vient acheter des votes au village tout en organisant le massacre des villageois...])
La préparation des élections est un prétexte, il vient surtout leur refourguer de la nourriture avariée et le médicament qui les rendraient totalement apathique. Ils préparent le gibier pour la chasse en quelque sorte. C'est d'ailleurs, plus que les américains (qui sont effectivement tous très mauvais, toutes leurs scènes sont extrêmement mal écrites, ça en devient rapidement pesant), l'une des figures essentielles du film. Ce préfet c'est évidemment Bolsonaro qui vend le pays aux intérêts étranger qui vont le piller. Bien plus que l'impérialisme ou le colonialisme, c'est une critique du néo-capitalisme à laquelle les réalisateurs se livrent.

Art Core a écrit:
Puis il y a ce truc typique du Brésil (et peut-être de la Colombie) où on trouve un mélange ethnique total entre descendants d'esclaves africains, descendants d'autochtones et descendants de colons blancs, avec évidemment un métissage complet entre les trois. Comme une vision sociétale idéalisée qui aurait dépassée le racisme (même si la réalité au Brésil et en Amérique du Sud est évidemment toute autre).
L'autre truc typique du Brésil et des autres pays Sud-américains, c'est que la majeure partie de la richesse est détenue par une poignée de propriétaires, tous blanc, et que le racisme est partout extrêmement fort. Avant l'arrivée de Chavez à la tête du Vénézuela, les écarts de richesse y était pus important que dans bon nombre de pays d'Afrique, ce qui n'est pas un mince exploit. D'où la scène où les américains se moquent des deux tueurs brésiliens et de leur couleur de peau, l'un d'entre eux pour détendre l'atmosphère concluant que le mec pourrait être latino et la femme polonaise.

Je rejoint l'avis d'Art Core, film très inégal, des choses que j'aime beaucoup, d'autres beaucoup moins (les ricains bien sûr, mais aussi certaines sous intrigues qui sont comme des fils raccordés à rien, ce brouilleur d'ondes par exemple dont on se fiche totalement au final). Un peu la même impression qu'avec le dernier Ciro Guerra


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MessagePosté: 05 Oct 2019, 13:47 
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Bacurau fait référence a des choses plus précises que ça

Sur le mouvement des sans terre au Brésil :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_des_sans-terre
https://www.cairn.info/revue-mouvements ... age-37.htm


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MessagePosté: 06 Oct 2019, 08:25 
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Intéressant ça.

Sinon le truc le plus improbable c'est quand même le fait que le film ait visiblement été en partie financé par Petrobras, le premier nom à apparaître au générique.

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MessagePosté: 10 Aoû 2020, 08:50 
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Cantal a écrit:
Bacurau fait référence a des choses plus précises que ça

Sur le mouvement des sans terre au Brésil :

https://fr.wikipedia.org/wiki/Mouvement_des_sans-terre
https://www.cairn.info/revue-mouvements-2009-4-page-37.htm

Moi aussi j'ai apprécié ce film, ils ont de l'imagination en le tournant. Je trouve que le Brésil est très connu grâce à ces gens talentueux et créatifs.


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MessagePosté: 22 Mar 2021, 19:18 
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Bien apprécié pour ma part. Même si il s'agit de mon second Mendonça Filho et que je le trouve inférieur aux bruits de Recife. Mais on retrouve dans ce Bacurau tout ce qui fait le talent du cinéaste, cette faculté à capter le pouls d'une communauté et de rendre passionnant cet univers social de miséreux. La seconde partie est moins forte que la mise en place carpenterienne mais il y a vraiment des moments saisissants. Cet étrange mélange entre Carpenter et cinéma d'auteur brésilien rendent la séance intéressante avec des moments de fulgurance rares. Prix du jury mérité contrairement au reste du palmarès cannois qui était le plus honteux de cette décennie.

4/6

Lohmann a écrit:
Art Core a écrit:
l'homme politique [dont je n'ai rien compris au "plan", ils vient acheter des votes au village tout en organisant le massacre des villageois...])
La préparation des élections est un prétexte, il vient surtout leur refourguer de la nourriture avariée et le médicament qui les rendraient totalement apathique. Ils préparent le gibier pour la chasse en quelque sorte. C'est d'ailleurs, plus que les américains (qui sont effectivement tous très mauvais, toutes leurs scènes sont extrêmement mal écrites, ça en devient rapidement pesant), l'une des figures essentielles du film. Ce préfet c'est évidemment Bolsonaro qui vend le pays aux intérêts étranger qui vont le piller. Bien plus que l'impérialisme ou le colonialisme, c'est une critique du néo-capitalisme à laquelle les réalisateurs se livrent.

Intéressant ce que tu écris mais c'est aussi le petit échec du film. On a beau me vendre des références et critiques à Bolsonaro, si tu n'es pas brésilien, même en connaissant la situation internationale de ce pays un petit peu, tu n'y comprends rien.

Cantal a écrit:
Par contre Mendonça Filho s'inspirait déjà de Carpenter dans les bruits de Récife
Euh à quel niveau? Quels passages?


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MessagePosté: 23 Mar 2021, 09:38 
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Abyssin a écrit:
Cantal a écrit:
Par contre Mendonça Filho s'inspirait déjà de Carpenter dans les bruits de Récife
Euh à quel niveau? Quels passages?


La façon de filmer ces banlieues soi-disant calmes avec ce scope, l'intrusion du fantastique et l'étrangeté dans certaine séquences. La menace extérieure qu'elle viennent de réminiscences historiques ou du contexte sociale.
ça rappelle énormément Halloween


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