Forum de FilmDeCulte

En 1945, le Gouvernement provisoire de la République française votait les ordonnances promulguant les champs d’application de la Sécurité sociale. Cela permettait enfin au peuple de pouvoir vivre sans l’angoisse du lendemain. Le principal initiateur de cette évolution se nommait Ambroise Croizat, que beaucoup ont oublié de nos jours.

Gilles Perret continue de creuser le sillon son cinéma, tourné vers l'exploration de l'héritage du Conseil National de la Résistance et du rôle du PCF à ce moment charnière,avec ce film sur les origines de la Sécurité Sociale. J'avais vu Walter, retour en résistance, dont je ne garde que très peu de souvenirs, et la forme on ne peut plus télévisuelle de celui-ci (en gros on va d'interviews en interviews) risque de lui réserver le même sort dans ma mémoire.

Cependant, le film a le mérite d'être un témoignage (c'est dit tel quel dans le film) de l'histoire populaire, gommée de l'histoire officielle. En remettant en lumière l'apport d'Ambroise Croizat, oublié au profit du seul Pierre Laroque, on apprend un certain nombre de choses sur la création quasiment ex nihilo des organismes de sécu au sortir de la guerre (les interventions de Jolfred Fregonara, chargé de structurer la caisse en Haute-Savoie, sont d'ailleurs parmi ce qu'il y a de mieux). Le film passe à côté du potentiel de buddy movie centré sur Laroque, le bourgeois haut-fonctionnaire, et Croizat, l'ouvrier communiste devenu ministre, et c'est dommage, je me dis qu'il y avait matière à développer un propos plus œcuménique et centré sur l'humain. En l'état, c'est très didactique, avec ses passages obligés sur l'affirmation de la place de la puissance publique dans les questions de santé mais en évacuant par exemple totalement le sujet des retraites. Ca reste assez factuel donc intéressant par moments, mais il y a très peu de cinéma dans tout ça

Il y a aussi cette tendance à ne transmettre que les pires caricatures des discours « anti-sécu », (Denis Kessler dans discours mythique au MEDEF -on notera quand même que le réal a l'honnêteté de montrer que le public n'applaudit que partiellement- et le mec dont j'ai oublié le nom qui déclare que la sécu est bien la preuve que la France est le dernier pays communiste avec Cuba et la Corée du Nord) et bien que je chie à la gueule de ces mecs, ça limite grave le propos et la portée du film. Il y a aussi cette scène, où tel un Pierre Carles ou un Michael Moore, le réal saisit l'occasion et se paie François Rebsamen, alors ministre du Travail, un peu facilement mais permet à son film de sortir de son déroulé programmatique et d'avoir une résonance actuelle bienvenue.

Bref, c'est intéressant par moments, ça a le mérite de remettre en lumière certains aspects méconnus et de prendre un peu de hauteur à l'heure où un François Fillon fait de la sécu une de ses cibles favorites dans un posture bas du front, mais globalement c'est du reportage plus que du documentaire.