Forum de FilmDeCulte :: Elle (Paul Verhoeven, 2016) : Vos critiques

Improbable. Imprévisible. Hilarant.

Portant très bien son nom, Elle est un fascinant portrait à des kilomètres du whodunit téléfilmesque vendu par la bande-annonce.
Verhoeven prend les attentes à rebrousse-poil tout comme le personnage d'Huppert traite sa situation et son entourage.

Le film se permet tout, abandonnant l'enquête et le suspense pour un jeu de massacre mais épousant toujours le point de vue de son incroyable héroïne, gère la tonalité comme rarement, tour à tour polar et thriller psychologique mais presque toujours DRÔLE. Je n'irai pas jusqu'à parler catégoriquement de comédie comme certaines critiques que j'ai pu voir passer - parce que le film est bien plus que ça, il est tout simplement inclassable - mais sinon oui, ça rit de tout. De la famille, du couple, des enfants, d'une certaine bourgeoisie, de la religion, de la mort, de l'homicide, du viol...

De tout ce que j'ai vu de Verhoeven, ce n'est jamais d'un point de vue purement visuel qu'il s'impose mais davantage dans cette gestion du ton. Ici, on est loin de la vulgarité (assumée) de certains de ses films mais Elle est non moins insolent et amoral (et non immoral), ce qui est rafraîchissant. Et malgré l'impertinence, le film demeure pertinent dans son traitement. La variété de tons n'a d'égal que celle des genres et des thèmes abordés. C'est richissime comme terreau.

On ne comprend tout d'abord pas le comportement de Michèle mais le personnage que Verhoeven (et Djian) dessine trouve sa force dans ce refus d'être une victime, quitte à retourner la domination sexuelle de façon inattendue, et se sert du viol comme d'un point de départ aux questions que le personnage est amené à se poser sur ce statut justement. Femme forte dans un monde d'hommes (le jeu vidéo), fille qui n'accepte pas la sexualité de sa mère, complice de son père, mère sans pitié, ex-femme jalouse...Elle raconte comment une femme peut se défaire de la pression tentaculaire de ses proches et de son travail et des jeux sexuels de pouvoir.

J'ai mis quelques minutes à me faire au jeu théâtral de Huppert (et Consigny) mais c'est très vite un régal (big up à Christian Berkel aussi). Cohérent avec la démarche générale. D'ailleurs, si le récit ne va jamais où on l'attend et ne cesse d'accumuler les détours improbables, il reste toujours cohérent dans le fond, jusqu'à un dénouement lourd de sens.

Vraiment, j'ai trouvé ça remarquable.

Auteur:	Lohmann [ 14 Juin 2016, 23:14 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Et du coup elle cherche un pseudo-violeur qui n'existe nul part ailleurs que dans ses fantasmes

Auteur:	Gontrand [ 14 Juin 2016, 23:23 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Ce qui me gène un peu c'est qu'elle peut très tout simplement être manipulatrice et calculatrice par rapport à une situation (ses parents, son fils, son amie et son mari) et victime dans une autre, sans que l'on doive nier l'évènement pour aligner le tout (j'ai l'impression que tu projettes un peu de Basic Instinct, sur lesquels les macmahoniens du Tulard ont pas mal projetés). La limite du cynisme d'Huppert, c'est que pour elle toutes les attitudes d'autrui sont intentionnelles et revètent la forme d'une mise en scène ou d'un message, ce qui la rend inhumaine c'est justement qu'elle pense être juste une interprète neutre des intentions d'autrui même lorsqu'elle le malmène (on s'en aperçoit lors de la mort des deux parents, l'une qu'elle provoque et l'autre qu'elle subit). Le rapport qu'elle entretient avec ses parents est plus douloureux que le viol. Elle est sans doute schizo, mais "adaptée" à la perte de l'anonymat issue de l'informatique et de la la continuité entre violence ludique (exercée contre l'image elle-même) et la violence du monde réel (qui dans le film permet la survie des vieux médias comme la télé).

Auteur:	Lohmann [ 14 Juin 2016, 23:27 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Gontrand a écrit: j'ai l'impression que tu projettes un peu de Basic Instinct ça m'est difficile n'ayant pas vu le film... par contre je projette du Total recall, ça je l'assume pleinement Gontrand a écrit: la mort des deux parents, l'une qu'elle provoque et l'autre qu'elle subit Elle provoque les deux non?

Auteur:	Lohmann [ 14 Juin 2016, 23:30 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
La relation au père est particulièrement intéressante. Il est entendu que l'on présuppose qu'elle est victime de son père, elle même le dit. D'un autre côté, son père se suicide lorsqu'il apprend qu'elle va venir. Qui a le plus peur de l'autre? Qui a finalement été l'instigateur du massacre? Finalement on ne sait, un doute plane (que l'on m'accorde au moins cela).

Auteur:	Lohmann [ 14 Juin 2016, 23:31 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Si la situation est telle que vous la décrivez, comment interprétez vous la scène dans la voiture avant l'ultime viol?

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Elle (Paul Verhoeven, 2016) https://forum.plan-sequence.com/elle-paul-verhoeven-2016-t25066-180.html	Page 13 sur 14

Auteur:	Film Freak [ 14 Juin 2016, 23:32 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Lohmann a écrit: La relation au père est particulièrement intéressante. Il est entendu que l'on présuppose qu'elle est victime de son père, elle même le dit. D'un autre côté, son père se suicide lorsqu'il apprend qu'elle va venir. Qui a le plus peur de l'autre? Qui a finalement été l'instigateur du massacre? Finalement on ne sait, un doute plane (que l'on m'accorde au moins cela). Ah il me semble assez évident qu'elle était la complice de son père.

Auteur:	Gontrand [ 14 Juin 2016, 23:33 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Qu'elle n'est pas si machiavélique que cela parce qu'elle ne pige pas le rôle du personnage d'Efira et protège la personne la plus manipulatrice du trio (c'est assez langien: protéger le coupable).

Auteur:	Lohmann [ 14 Juin 2016, 23:36 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Gontrand a écrit: Qu'elle n'est pas si machiavélique que cela parce qu'elle ne pige pas le rôle du personnage d'Efira et protège la personne la plus manipulatrice du trio. Je parle surtout de Laffitte. Pourquoi jouerait-il l'étonné et l'incompréhension?

Auteur:	Gontrand [ 14 Juin 2016, 23:40 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Parce qu'il est con, cela l'arrange bien de faire semblant de croire après-coup que le viol était le fruit d'une sorte d'accord SM ( cela atténue en même temps son désir pour elle et sa responsabilité et sauve les apparences - la scène clé c'est celle avant où lui monte dans sa voiture pendant qu'Huppert le regarde de la grille), mais il ne comprend pas qu'en engageant une relation amicale et de quasi bon voisinnage avec elle il s'expose en fait d'autant plus à une dénonciation (quand il se fait tuer -d'ailleurs pas par Huppert- on sent qu'il en a marre de ce cirque et rejouait pour la première fois son agression sous la forme d'un scénario convenu).

Auteur:	Lohmann [ 14 Juin 2016, 23:43 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Pas du tout convaincu par cette version, mais c'est toute la richesse du film que de laisser tant de champs d'interprétations possible.

Auteur:	Gontrand [ 14 Juin 2016, 23:47 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
C'est un peu comme dans l'Invraisemblable Vérité de Lang: c'est au moment où le coupable rejoue son forfait comme une fiction qu'il se fait avoir, et devient d'un certain côté une victime. Les scrupules d'Huppert face à ses parents (et où elle s'aperçoit très tard que sa mère était stalkée par son amant, qu'en voulant l'empêcher de jouir elle la protégeait, et que la violence du monde a doublé son cynisme sans qu'elle s'en aperçoive) sont l'équivalent de l'accident de voiture qui détruit les preuves fabriquées et fait dérailler le truc, tout en produisant une situation "neutre", ou tout s'équilibre (l'issue réelle de l'intrigue est conforme à ce que l'on planifiait dans le rapport faux initial- le flic soupçonne qu'elle cache un truc, mais l'avouer ne modifierait finalement pas la situation - contrairement à ce qui se passerait dans une série policère où il faut qu'un secret augmente forcément la culpabiltié de quelqu'un, il est ici moralement neutre).

Auteur:	Gontrand [ 15 Juin 2016, 18:06 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Au passage l'accident de voiture d''Elle" a une dynamique proche de celui de "l'Invraisemblable Vérité" (la voiture finit dans les deux cas posée sur le côté). Citation? Par ailleurs (je sais plus si je l'ai dit) un des aspects du film qui m'a le plus plû est que le regard sur le vidéoludisme (et son économie) et l'essai de les situer par rapport à plusieurs régimes d'images et de médias est très près proche de celui sur la presse et la télé dans l'autre volet du doublet de Lang, "la 5ème Victime" (on peut parler d'un transfert fidèle en même temps que d'une réactualisation). C'est vraiment Lang qui relie ensemble , via une une origine commune, Chabol, ce film, Gone Girl et le dernier Araki.

Auteur:	Billy Budd [ 10 Jan 2020, 23:30 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
J’hésite entre 1 et 5, mais j’imagine que c’est ce que souhaite Verhoeven.

Auteur:	Déjà-vu [ 10 Jan 2020, 23:56 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
N’hésite pas, mets 1 !

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Auteur:	Film Freak [ 13 Déc 2020, 12:38 ]
Sujet du message:	Re: Elle (Paul Verhoeven, 2016)
Bon bah là j'avas tout dit. Film Freak a écrit: Improbable. Imprévisible. Hilarant. Portant très bien son nom, Elle est un fascinant portrait à des kilomètres du whodunit téléfilmesque vendu par la bande-annonce. Verhoeven prend les attentes à rebrousse-poil tout comme le personnage d'Huppert traite sa situation et son entourage. Le film se permet tout, abandonnant l'enquête et le suspense pour un jeu de massacre mais épousant toujours le point de vue de son incroyable héroïne, gère la tonalité comme rarement, tour à tour polar et thriller psychologique mais presque toujours DRÔLE. Je n'irai pas jusqu'à parler catégoriquement de comédie comme certaines critiques que j'ai pu voir passer - parce que le film est bien plus que ça, il est tout simplement inclassable - mais sinon oui, ça rit de tout. De la famille, du couple, des enfants, d'une certaine bourgeoisie, de la religion, de la mort, de l'homicide, du viol... De tout ce que j'ai vu de Verhoeven, ce n'est jamais d'un point de vue purement visuel qu'il s'impose mais davantage dans cette gestion du ton. Ici, on est loin de la vulgarité (assumée) de certains de ses films mais Elle est non moins insolent et amoral (et non immoral), ce qui est rafraîchissant. Et malgré l'impertinence, le film demeure pertinent dans son traitement. La variété de tons n'a d'égal que celle des genres et des thèmes abordés. C'est richissime comme terreau. On ne comprend tout d'abord pas le comportement de Michèle mais le personnage que Verhoeven (et Djian) dessine trouve sa force dans ce refus d'être une victime, quitte à retourner la domination sexuelle de façon inattendue, et se sert du viol comme d'un point de départ aux questions que le personnage est amené à se poser sur ce statut justement. Femme forte dans un monde d'hommes (le jeu vidéo), fille qui n'accepte pas la sexualité de sa mère, complice de son père, mère sans pitié, ex-femme jalouse...Elle raconte comment une femme peut se défaire de la pression tentaculaire de ses proches et de son travail et des jeux sexuels de pouvoir. J'ai mis quelques minutes à me faire au jeu théâtral de Huppert (et Consigny) mais c'est très vite un régal (big up à Christian Berkel aussi). Cohérent avec la démarche générale. D'ailleurs, si le récit ne va jamais où on l'attend et ne cesse d'accumuler les détours improbables, il reste toujours cohérent dans le fond, jusqu'à un dénouement lourd de sens. Elle "tue" père et mère pour sortir de leur ombre et ne reconnaît son fils que lorsqu'il devient complice de son crime, comme elle avec son père. Et le petit s'est trouvé une femme aussi commode que sa mère... Vraiment, j'ai trouvé ça remarquable. J'ai délibérément pas relu mon avis avant de revoir le film, ma 2ème fois seulement depuis le ciné il y a plus de 4 ans donc, et non seulement mon avis n'a pas bougé d'un poil mais en plus, j'ai eu les mêmes expressions, mêmes mots et mêmes phrases (notamment sur l'amoralité) que dans cette critique qui me sont venus en tête alors que je regardais le film. Rien à rajouter. À part : bring on Benedetta!