Si Varda n'est pas la plus grande des formalistes (une certaine lourdeur dans le montage alterné, des compositions un peu plates, et des inserts pas très heureux), il y a néanmoins quelque chose de presque magique dans sa capacité à placer la caméra juste là où il faut pour saisir LE regard, LE mouvement capables de transformer l'instant le plus banal en quelque chose qui touche à l'universel.
Daguerrétotypes est encore plus fascinant quand vu 40 ans plus tard : c'est le portrait d'une généréation qui a été complètement effacée aujourd'hui, celles des commerçants de l'exode rural et de leurs boutiques grossièrement tapissées, replettes de piles de produits hétéroclites et inutiles, aux visages marqués par le labeur et la souffrance. Ce sont aussi des accents aujourd'hui disparus ou des couleurs qui n'ont plus droit de cité : c'est un village dans la ville, la campagne dans les rues de Paris, le reliquat d'un mode de vie que la recherche de l'efficience a oblitéré.
Le film, bien que court, parvient à donner corps à ces quelques commerçants de la rue Daguerre, la caméra de Varda les regardant sans jamais les juger, sans jamais faire de leurs tics un système (et donc un cliché, ce qui nierait la singularité de ces gens, les réduirait à des stéréotypes) : cette profonde intégrité, c'est la marque des très grands films.
Il y a quoi d'autre de bon à manger, chez Varda ?