Dans un territoire invisible, aux marges de la société, à la limite entre l’illégalité et l’anarchie, vit une communauté endolorie qui fait face à une menace : celle de tomber dans l’oubli. Des vétérans désarmés, des adolescents taciturnes, des drogués qui cherchent dans l’amour une issue à leur dépendance, des anciens combattants des forces spéciales toujours en guerre avec le monde, des jeunes femmes et futures mères à la dérive, des vieux qui n’ont pas perdu leur désir de vivre... Dans cette humanité cachée, s’ouvrent les abysses de l’Amérique d’aujourd’hui.
Après avoir inscrit ses trois premiers films au coeur du Texas, Minervini s'intéresse à la Louisiane (où le taux de chômage frôle les 60%) avec ces portraits de l'Amerique anti-Obama, prenant la forme d'un diptyque dont les deux chapitres ne s'emboîtent hélas pas particulièrement bien, avec d'abord un portrait d'un couple camé jusqu'à l'os, tout le temps à poil, façon Nan Goldin et de l'autre des pro-NRA fous de la gâchette qui tirent sur tout ce qui bouge, ventre mou des Etats-Unis ou vivotent des losers haineux complètement crâmés dans leur marginalité, où leurs derniers restes de liberté consistent à se camer et se murger.
Documentariste dans l'âme, Minervini n'en fait pas pour l'autant l'économie du sens du cadre et de la lumière dans ces portraits de patriote d'un no man's land white trash, terreau de désolation d'une meute en colère se raccrochant à sa paranoïa et sa xénophobie (Obama doit s'y faire insulter une bonne dizaine de fois). Dommage que la structure inexpliquée en deux parties et la position d'observateur de Minervini vire parfois au voyeurisme répétitif, mais The other side conserve quand même la fascination indéniable de s'intéresser aux immontrables, dont le dévoilement de l'intimité la plus crue fascine et génère envers et contre tout de la compassion.
4/6