Avec cette oeuvre phare du genre cyberpunk et plus largement du cinéma underground japonais, Tsukamoto réalise un film remarquable et inclassable, laissant libre cours à ses influences, à mi-chemin entre Videodrome, Akira, le manga live, le kaiju eiga, et surtout le body horror à la Cronenberg (sans oublier le biomechanical art dont le style de H.R. Giger est un des plus représentatifs).
Au travers d'un récit cauchemardesque d’un homme qui se transforme en créature hybride, dont le corps fusionne avec le métal environnant, le réalisateur profite de ce postulat pour expérimenter à tout va, par le biais d'une mise en scène formellement très reconnaissable, et d'un montage saccadé bénéficiant de stop motion en accéléré, plein d’inventivité visuelle, porté par un rythme hyper soutenu, voire hystérique par moments.
Le réalisateur semble vouloir faire en sorte que le spectateur soit dans le flou, qu'il se demande constamment ce qui passe à l'écran, à l'image du personnage principal qui assiste à la perte de contrôle de son corps qui lui semble de plus en plus étranger.
La bande son cacophonique de Chu Ishikawa et la narration très décousue/morcelée participent à cette impression chaotique, il n’y a guère qu’un flashback qui nous permet d’avoir un point de vue plus précis sur la situation (et quasi dépourvu de dialogues en plus).
Cette énergie qui se dégage façon roller coaster expérimental n’est pas sans rappeler à certains moments le premier Evil Dead de Raimi, autre film culte fauché mais inventif des années 80, où on retrouve également cette espèce de hargne créatrice de jeune cinéaste qui arrive à atteindre son but malgré tout.