Kong shan ling yu (空山灵雨) en VO.
Dans la Chine de la dynastie Ming, le Supérieur du monastère bouddhique de San Pao doit se choisir un successeur. De hauts dignitaires sont invités pour l’assister dans cette lourde tâche. Mais certains convoitent ardemment le parchemin inestimable abrité par le Temple...
Je sais pas si c'est moi qui marche au diesel ou si c'est King Hu, mais comme pour Touch of Zen, je trouve que ça met quand même un moment à réellement démarrer : si le mac-muffin est posé dès les premières répliques, il faut attendre l'arrivée du condamné pour que l'enjeu profond du récit commence à travailler le film. Film d'ailleurs proche de Touch of Zen par bien d'autres points, notamment sa fin :
C'est donc une fable sur la pureté et le pêché, et une histoire de cour, c'est à dire de manigances évidemment, et plus simplement du contraste entretenu entre la mesquinerie humaine et la sagesse du lieu dont on célèbre l'élévation et la sérénité (pas toujours subtilement, certes : l'étalage sur word-music des paysages ouvrant le film, même si superbement photographiés, frôle un peu le chromo exotique). Tel le vieux maître, qui observe tranquillement le chaos advenir autour de lui dans une sorte d'indifférence superbe, le temple est un décor diurne, simple, vide et toutes portes ouvertes, jamais abîmé par ses assaillants, se répandant en d'immenses surfaces extérieures. Paradoxalement, les visiteurs et les moines semblent s'échiner à s'y perdre comme dans un labyrinthe dont on atteint jamais le centre, comme aveuglés, nous apparaissant de fait comme une agitation, une dispersion constante qui ne saisit pas l'intérêt de ce qu'elle cherche (le texte, pas l'objet).
C'est d'autant plus frappant que le principe du combat à la King Hu, tout entier fondé sur l'ellipse et l'esquive, se passe ici tout simplement... de combat. Il n'y a plus que de l'esquive : la majorité des scènes d'action du film est affaire de cache-cache et d'infiltration, et les rares affrontement doivent se faire silencieusement, constamment interrompus par le passage de résidents du temple - et même lorsqu'on se bat, on ne donne presque pas de coups (super passage du combat à la mallette !).
L'objet du film est plus ou moins de montrer combien une force neutre, tranquille, non-agressive (le maître, puis son successeur) désamorce fatalement toute violence qu'on projette sur elle. C'est son aspect le plus touchant, je trouve : voir ce que cela déforme chez ses ennemis, qui ne peuvent s'empêcher de ressentir une certaine crainte, un respect, une empathie. Pour le coup, même si on retrouve cette chaleur via la complicité secrète des deux vieux hommes envers leur protégé, je trouve que c'est un aspect humain que le film aurait gagné à mieux cultiver, à mieux entrelacer avec les étapes de son récit symbolique, qui en l'état laisse le spectateur séduit mais distant. L'Hirondelle d'or, pourtant moins virtuose, "poétique" et auteuriste que les deux autres, continue donc de rester mon King Hu préféré. Comme quoi parfois, les studios castrateurs...
Concernant le DVD : C'est la semaine "réhabilitons les éditeurs français honteux". J'ai rien à redire sur ce DVD Film sans frontières, aspect du film respecté (blancs un peu cramés, à la limite ?) et compression bien, du bon boulot.
