U samogo sinego morya (У самого синего моря) en VO.
Deux marins, rescapés d'une terrible tempête en mer Caspienne, sont sauvés par des pêcheurs d'une île de l'Azerbaïdjan. Dès qu'ils arrivent sur le rivage, ils rencontrent Macha, une habitante de l'île, dont ils tombent tous les deux immédiatement amoureux.
Barnet confirme qu'il est moins un cinéaste comique qu'un cinéaste lunaire. Le gag ici s'est presque entièrement dilué dans les rêveries, dans le regard bienveillant qui enveloppe ce film diurne et souriant. C'est l'histoire d'un triangle amoureux donc, et c'est de fait un film qui tangue (littéralement, même, dans l'une des scènes) : passant d'un amant à l'autre, de la complicité à la jalousie, du comique de situation à la contemplation des flot, du muet au parlant...
Cette dernière hybridité est la plus fertile. Les quelques scènes dialoguées ne sont certes guère convaincantes (pas qu'elles soient maladroites ni mal amenées, comme c'est parfois le cas dans les transitions muet-parlant, mais elles restent bien moins inspirées que le reste, dans un registre théâtral mal assumé, brisant un peu la rêverie justement). Le film crée par contre un univers sonore d'une douceur remarquable (et ce malgré le mixage charal au hachoir) où l'on ne bruite et où l'on ne parle pas si l'on veut rester au calme, où l'on abolit la frontière entre bruit et musique (les perles qui tombent, les filets dans lesquels on trébuche...), où l'on chante dès qu'on en a envie, et où une superbe partition vient régulièrement nous récupérer, nous bercer, dès que le film est fatigué d'en passer par le dialogue. Malgré l'empreinte des expérimentations encore récentes de l'école russe, c'est du coup surtout aux cinémas classiques indiens ou mexicains que le film fait penser (je me répète, mais un côté chantant, au sens propre ET figuré, une fois de plus).
Passés les à-peu-près, les scènes souvent un peu mal branlées, les maladresses et les défauts nombreux (notamment un dernier quart moins convaincant), on retient donc un film incroyablement harmonieux, où même les tempêtes semblent douces, dansantes, et musicales. Ça se regarde vraiment comme un charme, ca ne tire par inutilement en longueur (1h08), et surtout, SURTOUT, c'est quasi totalement dépourvu de propagande soviétique. Et ça bordel, mine de rien, ça change quand même pas mal de choses.
Concernant le DVD : On peine à le croire, on se frotte les yeux, mais il faut bien se rendre à l'évidence : Bach Film a fait un DVD pas trop dégueulasse. La copie pellicule d'origine est bien usée, la compression forte laisse des traces, et comme pour beaucoup de films URSS de l'époque (que ce soit les éditions françaises ou russes), j'ai l'impression bizarre que l'image est un peu rognée à gauche. Mais ça reste tout à fait regardable, et c'est tellement exceptionnel chez cet éditeur que c'est à saluer.