The Wind en VO.
Réal orthographié "Victor Seastrom" pour ses films US (dont celui-ci).
Une jeune fille de Virginie, Letty, arrive en train pour travailler dans le ranch de son cousin. À bord, elle fait la rencontre d'un commerçant qui la prévient : la région où elle va vivre est particulièrement venteuse, et ce vent rend fou.
*** FOR YOUR CONSIDERATION ***
Là encore on va devoir user d'une copie ultra-crade...
(quelqu'un a regardé ce que donnait le DVD Bach Film sorti cette année, finalement ?)
Le Vent, au final, c'est la même histoire que Voyage en Italie, ou que L'Aurore : c'est l'histoire du miracle, énigmatique et inespéré, de l'amour qui renaît là où tout a été fait pour le mettre à mort.
Et il y a ce moment, aux deux tiers du film, qui fut ma toute première "vraie" émotion devant un film muet. La situation est la suivante : Letty s'est mariée à un cow-boy misérable, en catastrophe. Elle ne l'aime pas. Il le comprend vite : elle refuse qu'il la touche. Lui est fou amoureux, mais malgré l'humiliation il reste digne : il essaie de réunir assez d'argent pour permettre à son épouse de rentrer au plus vite dans sa Viriginie natale, et de fuir ce pays venteux, qu'elle déteste, et ses ploucs, qu'elle méprise.
Le travail du jeune homme l'appelle justement un jour à rejoindre avec des collègues une réunion d'éleveurs, pour trouver les moyens d'éviter la famine. Letty, soudain, est terrifiée à l'idée de rester seule dans sa cabane aux marges du désert, avec ce vent qui la rend dingue. Paniquée, elle insiste pour partir avec lui, et les suit. Mais très vite, le cheval de Letty part en vrille, et le jeune homme doit s'écarter du groupe pour aller la rattraper. Elle est manifestement incapable de les suivre dans la tempête.
Les éleveurs raillent la jeune fille, confirmés dans leurs appréhensions, pendant qu'au loin, le jeune homme met fin à la course laborieuse, et remet sa femme en selle :
Droit, patient (faisant "ce qu'il faut", ayant la pudeur de ne pas montrer quelque émotion), il la ramène avec lui vers le groupe, la dépose sur un nouveau cheval, s'assure qu'elle va bien, et charge un de ses collègues de la ramener à la maison. Et puis il repart vers le groupe, qui se remet en marche avec lui.
Et soudain on s’aperçoit, par un contre-champ, que c'est elle qui voit cela, qui est entrain de le regarder partir : soudain (pour la première fois du film ?), c'est elle qui le regarde, alors que lui ne la regarde pas.
Le plan est très rapide, mais il n'empêche : pendant que le vieil homme chargé de la ramener se met en selle, alors que le vent lui baffe la gueule, ce qu'elle fixe c'est ce jeune homme qui part. C'est LÀ : ce moment, invisible, où Letty sans même s'en rendre compte est entrain de tomber amoureuse de son mari, du seul homme qui la protège de cet enfer sableux, et qui disparaît alors dans la brume.
Et le film de se retourner comme une crêpe. L'enfer claustro du couple devient refuge. Le désert chaotique devient un horizon aux possibilités immenses. Et dans le film empoisonné, jusqu'ici infecté de haine et d'aigreur, se répand soudain une chaleur. Tout ça dans la grâce invisible d'un petit contre-champ.
J'ai n'ai rien vu d'autre de Sjöström, à part le très bon La Charrette fantôme, mais il semble communément admis que le meilleur film de ce maître du ciné suédois, c'est paradoxalement celui-là : son film américain. Un peu comme Murnau arrivant aux Amériques, avec ce regard extérieur et ses influences étrangères, et qui semble étrangement le plus plus à même de mener le mélodrame US à son firmament, faisant résonner la petite histoire et sa violence avec les décors fantasmagoriques, avec les éléments, avec l'immensité du monde - comme le font tant de joyaux de la toute fin du muet, dont ce film est l'un des plus beaux représentants.