Forum de FilmDeCulte

Ma'a al-Fidda (ماء الفضة) en VO.



Un cinéaste syrien exilé à Paris réunit et monte ensemble les images de youtubeurs qui, sur place, filment et meurent quotidiennement. Un jour, une cinéaste kurde lui écrit de Homs : "Si ta caméra était ici à Homs, que filmerais-tu ?". À deux, et à plusieurs centaines de kilomètres de distance, ils débutent un documentaire à quatre mains.


J’y allais confiant de sa gigantesque réputation cannoise, et c'est peu dire que je suis tombé de haut. Pour aller vite sur les bons aspects, le projet a l’intelligence de se concevoir et de se présenter d'emblée comme une suite de rushes, classées et ordonnées en chapitres, assumant son statut de recueil des "milles et unes images", comme il dit. C'est tout.

Pour le reste, je trouve le film dangereusement inconscient et dilettante. Au-delà même de ce qu’on peut penser du conflit syrien, la logique de la première partie n’est ni plus ni moins que celle d’une œuvre de propagande, image d’horreur sur image d’horreur, mêmes vidéos de tortures répétées jusqu’à plus soif, dans le but de nous faire "prendre conscience" j’imagine. Si le but était de nous aider à penser le conflit ou ses images, l'échec est absolument total.

Lorsque la caméra féminine arrive, moins ambitieuse mais aussi plus singulière (caméra qui se cale sur l'expérience personnelle, littéralement au niveau des animaux et des enfants dont on épouse la hauteur), le film parvient un peu, un tout petit peu, à nous faire rentrer dans ce conflit. Le suivi du gamin orphelin, notamment, qui confronte un quotidien improbable et l’absurdité des ruines, ouvre notre regard à une certaine compréhension, et offre au film quelques passages effectivement sidérants (le sniper, mon dieu).

Il reste que la dialectique générale reste globalement la même : une succession d’images ou de scènes chocs, via le prisme d’un auto-centrage pour le moins déplacé (le dispositif d’échanges d’images entre les deux réals est certes joli sur le papier, mais quand ça ne sert qu’à susurrer des conneries du style "je cherche le temps dans le temps" sur des images autrement plus préoccupantes, on retient surtout une impression générale de vulgarité). L’ensemble se vit comme une longue plainte, devant laquelle on reste aussi interdit et insensible que devant ces images de mères voilées hurlant au ciel la perte d’un fils ou d’un mari. Oui, certes, c’est horrible, mais quelle place peut on avoir face à un tel spectacle de souffrance, ressassé jusqu’à plus soif ?

L’idée d’un grand film sur les images croisées du conflit en séduira sans doute plus d’un, quand bien même ce doc n'en est pas réellement le reflet (peu de brassage et de confrontations de sources, finalement, ce n'est pas un Redacted version docu). Le film n’a de toute façon ni l’exigence, ni la maturité, pour venir remplir correctement cette mission.

C'est Maidan, le grand documentaire de Cannes. Très gros morceau, absolument génial.

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Il sera à mon Festival de Cannes 2015