Les qualités et les défauts du film sont ceux des livres de Lansdale, pour ce que j'en ai lu : les changements de ton au milieu, le côté erratique de l'intrigue, le recentrement sur un trio de personnage ni bons ni mauvais mais avec du cœur et un peu d'humour... Je ne crois pas qu'il y ait volonté de faire un DTV dans le style des années 80 (ca n'y ressemble jamais formellement), c'est le livre de Lonsdale qui traîne déjà là-dedans. En ce sens c'est très bien adapté, très fidèle au matériau (et Mickle et Nick Damici travaillent apparemment sur l'adaptation de la série Hap and Leonard pour la télé, normal). Sauf qu'il y aurait eu matière à améliorer ce matériau...
Après, il y a toujours chez Mickle le souci de proposer un vrai récit, construit, évolutif, pas juste un "film de genre" qui justifie le fait de passer par tous les poncifs et de ne faire aucun effort narratif par le fait qu'il est précisément un film de genre.
Dommage que la fin n'envoie pas plus, ca aurait sans doute permis d'emporter le morceau, et la première heure est clairement au-dessus du reste. Je pense toujours que Mickle est parmi les cinéastes de genre apparus récemment l'un des très rares à avoir un vrai potentiel, une vraie capacité à porter un film (je trouve ça beaucoup plus intéressant que Blue Ruin par exemple, tout comme Stake Land était mieux que The Battery), et je ne serais pas surpris qu'il sorte un gros film dans pas longtemps, avec le matériau adéquat. Après, on encense des Jeff Nichols alors que ce n'est pas beaucoup mieux, juste plus pseudo-intellectualisant.
Par contre, il y a un truc que je trouvais déjà remarquable dans Stake Land (d'autant plus pour le budget léger du film), c'est la photographie de Ryan Samul. Il cite comme principale influence Deakins, et ca se sent, mais au-delà je trouve son boulot remarquable de précision et d'investissement : la recherche permanente de la chaleur des couleurs et de la densité de la texture des éléments, qui évoque les peintres flamands, et l'adaptation d'une ligne de conduite à chaque scène (pas deux scènes nocturnes avec la même photo), donnent des images très riches, qui participent énormément au film. J'ai trouvé par exemple la photographie dans la scène dans le brouillard absolument magnifique de densité.
Dans une ère de photographies numériques dégueulasses, de filtres, d'absence de nuance, de saturation ou à l'opposé de machins ternes, il y a chez lui un souci pictural rare. Et ca montre que la qualité de la photographie n'a pas grand-chose à voir avec le budget (650 000 dollars de budget sur Stake Land, qui avait déjà une photographie remarquable).
4/6
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